217 vs 237

Alors que la presse frétille de la sortie de la suite de Shining, l'enfant lumière écrite par celui que l'on qualifie de maître de l'horreur, Stephen King, je viens de terminer la lecture de ce roman édité en 1977. Parce que, il n'y a pas si longtemps, je suis allé voir au cinéma le film documentaire Room 237 réalisé sur le Shining de Stanley Kubrick et aussi parce que j'ai revu ce film à l'occasion, je vais vous dire ce que je pense de tout cela.

Je n'ai pas lu beaucoup de romans de Stephen King. Voyons voir, faisons le point sur la question. J'ai lu "Dead Zone", "Misery", "Cujo", "Marche ou crève" et, donc, "Shining". J'ai aussi lu quelques nouvelles et peut-être bien un ou deux bouquins que j'ai oubliés. Bien que j'aie vraiment apprécié "Dead Zone", "Misery" et "Marche ou crève", je n'ai jamais été vraiment attiré par les bouquins de cet écrivain et j'ai plus ou moins évité tous ses livres traitant trop de diablerie et de sorcellerie. J'ai aussi vu quelques films réalisés par l'auteur ou tirés de son œuvre. Sans bien le connaître, j'estime donc que ce n'est pas une personne qui m'est totalement inconnue et étrangère. Je lui reconnais une imagination efficace et une maîtrise de l'angoisse. Il connaît son boulot, ça ne fait nul doute. Il a une ribambelle d'admirateurs de part le vaste monde.
Des films tirés de son œuvre, il en est un que j'aime particulièrement, c'est "Shining" de Stanley Kubrick. Il se trouve que Stephen King dit ne pas du tout aimer ce film. Mon frère qui m'a prêté le livre m'avait déjà dit que le film ne respectait pas le livre et que beaucoup de points différaient entre les deux histoires. Maintenant que j'ai lu le livre et que j'ai vu le film, je confirme qu'il y a des différences qui sont loin d'être anodines. Maintenant, le problème est de dire quelle version je préfère. A priori, je préfère le film. Maintenant, mon jugement est faussé parce que j'ai vu le film avant de lire le livre et que l'image de Jack Nicholson est bien trop présente. Le fait de lire un livre avant de voir un film ou, inversement, de voir un film avant de lire le livre conduit souvent à une déception. Sauf dans le cas de "No Country for the Old Men" des frères Coen. Pour ce livre/film, il est étonnant de constater combien les deux sont semblables et ne viennent pas se perturber.

Shining
Du film de Kubrick, il n'y a rien que je n'apprécie pas. Je l'ai vu plusieurs fois et pense le connaître assez bien. J'ai vu le documentaire récent consacré à ce film et il m'a laissé pantois. Il me semble en avoir parlé quelque part sur ce blog. Dans le fond et après réflexion, je suis persuadé que ce documentaire ne parle pas du film de Kubrick mais c'en sert juste comme prétexte à faire parler des fans d'un film et à leur faire sortir leurs phantasmes. Du livre original de Stephen King, je suis un peu plus mitigé. Il y a à mon sens, sur les quelques 400 pages du roman, de longs passages qui ne servent pas à grand chose. Il y a aussi des incohérences qui me dérangent un peu. Une partie d'entre elles sont sans doute dues à une mauvaise traduction (Jack Torrance qui est appelé John dans quelques passages, par exemple) mais d'autres sont plus dérangeantes. Il y a la façon de faire parler un petit garçon de quatre ans. King le fait parler d'une manière qui ne me semble absolument pas coller avec un enfant de cet âge, tout Danny qu'il soit, tout "enfant-lumière" qu'il soit. Il y a des moments comme celui, vers la fin du bouquin, où Stephen King fait recevoir à ses personnages des coups de maillet dans la tête avec des mâchoires qui éclatent, des côtes qui se cassent et tout cela n'empêche pas ces personnages, au prix de fortes douleurs, d'accord, de se lever, de marcher, de discuter, de réfléchir. C'est selon moi exagéré et facile. Je comprends bien que les personnages doivent parvenir à l'issue de l'histoire que l'auteur écrit mais tout de même. Le personnage de Jack Torrance qui est possédé par l'hôtel reçoit un couteau de cuisine planté jusqu'à la garde dans le dos. Il souffre, il est sous l'emprise de la diablerie mais il continue à balancer des coups dans les murs et de baguenauder de par les couloirs. Tout cela, Kubrick n'en a visiblement pas voulu. Dans le film, il n'est pas aussi certain que dans le livre que Jack Torrance soit sous l'emprise de l'hôtel. Peut-être est-ce juste qu'il est fou ? Il reste les visions de Danny mais on peut se demander si le petit garçon n'est pas aussi taré que son père, finalement. Dans le film, le personnage de Wendy, la femme de Jack et la mère de Danny, me paraît plus mis en avant. Par contre, je reconnais que le personnage de Dick Hallorann, le cuisinier de l'hôtel Overlook qui a le Don lui aussi est peut-être mieux utilisé dans le roman. La fin est radicalement différente mais je pense que Kubrick a dû faire des choix dans le bouquin et qu'il n'a pas pu tout garder. Dans le livre, Jack Torrance meurt dans l'explosion de l'hôtel. Dans le film, il meurt gelé dans un labyrinthe en poursuivant Danny. Là encore, je pense que la fin de Kubrick est bien meilleure. Dans le livre, King avertit le lecteur dès le début qu'il y a un souci avec la vieille chaudière. On sait plus ou moins que la solution viendra par elle. On le sent. Enfin, il me semble certain que le film est beaucoup plus angoissant, inquiétant et déstabilisant que le bouquin. Le génie de Kubrick, ce n'est tout de même pas rien.
Et alors, Stephen King sort la suite de Shining. Est-ce que je la lirai ? Je l'ignore. Ce qui est certain, par contre, c'est que Kubrick n'en fera pas un film.

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