L'autre jour que je flânais de par la campagne en empruntant les petites routes au charme si bucolique au volant de mon vrombissant engin motorisé turbo compressé de couleur blanche muni de quatre roues et de jolis rétroviseurs, j'aperçois une scène qui, dans un premier temps, me plonge dans un étrange sentiment de désarroi teinté de curiosité et d'expectative dubitative. En un lieu de moi connu pour y être passé à maintes reprises dans un sens ou dans l'autre, de jour ou de nuit, en été comme en hiver, un lieu pas trop éloigné de mon maigre logis situé en un étrange village qui semble se battre à ne jamais rien laisser transparaître qui puisse juste faire penser que l'on pourrait y trouver ne serait-ce qu'un mince élément destiné à l'enjoliver et à le rendre agréable aux yeux du plus affable des esthètes bienveillants, en ce lieu, donc, constitué pour l'essentiel d'une prairie close de fils de fer barbelés et d'une mare à l'eau verdâtre abritant tant et plus de batraciens coassant à la perfection à la saison des amours, j'avise deux vaches de race bovine mâchouillant comme seuls savent le faire les ruminants, deux vaches, vous me direz, deux vaches portant des robes différentes ce qui, sûrement, indique qu'elles ne sont pas issues de la même sélection génétique, qui ruminent en prenant un bain dans l'eau glauque puisqu'ainsi est la couleur de l'eau de la mare, il faut bien le reconnaître. Elles sont dans l'eau jusqu'aux tétines et je suis tellement surpris par la scène inhabituelle et, somme toute, surprenante, que j'en arrête mon fringuant véhicule sur le bas côté pour mieux l'observer.
La première idée qui traverse mon esprit est de parvenir à entrer en contact avec l'éleveur bovin pour lui indiquer qu'il faudrait faire quelque chose pour sortir ces bêtes de cette mare où elles n'ont rien à faire. Je pense, un peu trop vite, qu'elles sont tombées à l'eau par mégarde et maladresse. Peut-être se sont-elles trop approchées du bord et ont-elles basculé cul par dessus tête jusqu'en bas ? Parce que j'ai mon appareil photo numérique avec moi, je commence par immortaliser la scène. Pour dire ce qui est, les bêtes ne semblent pas affolées le moins du monde, elles ne paraissent ni apeurées ni en détresse. Elles mâchouillent, chassent les mouches cavalières des oreilles et de la queue, elles me regardent de cet air placide qui nous font aimer les vaches. Il me semble qu'il n'y a pas urgence à leur porter secours et je tente de faire quelques photos. J'essaie de trouver un angle intéressant, de parfaire un cadrage, de choisir les meilleurs réglages. J'avoue ne pas être arrivé à grand chose. J'aurais sans doute pu faire mieux si je m'étais plus appliqué.
Et à un moment, l'une des deux baigneuses, sans doute lassée par l'impudent voyeur que je suis, décide le plus simplement du monde de sortir de la mare en grimpant, comme si de rien n'était, par la partie la moins escarpée de la berge. Elle pèse sur ses membres inférieurs, donne une belle impulsion musculaire de l'encolure, effectue une forme de bond en avant très gracieux et parvient au haut de la mare sans plus de formalité. Elle me regarde quelques secondes et s'en va rejoindre ses amies postées un peu plus loin. L'autre vache reste seule et me regarde d'un air on ne peut plus impassible. Et puis, elle sort elle aussi de la même manière. Je m'étais inquiété pour rien. Ça m'apprendra à m'inquiéter pour les bêtes.
samedi 9 août 2014