Tentative de feuilleton collaboratif du mardi (6)

Roland, Gérard, Robert et Colette, les héros de nos aventures feuilletonesques sauront-ils se sortir de cet imbroglio littéraire de bas étage ?

Toujours poursuivi par Colette ivre de son courroux, l'homme tourna la tête en direction de Roland et afficha un air de surprise un peu stupide sur son visage. Cela lui valut de rater la première marche de l'escalier et de dégringoler en rebondissant tantôt sur la tête, tantôt sur le dos, tantôt sur le flanc avant de s'immobiliser au palier inter-étage, dans une flaque de sang, mort.

Le bouquet de roses rouges à la main, Roland restait interdit tandis que, haletant, Colette semblait concourir pour le premier prix d'incrédulité. Ils se regardèrent sans rien dire puis dirigèrent de nouveau le regard vers le corps démantibulé de l'homme.

- Robert ? hésita Roland, Robert ? T'es mort ?

- Robert ? questionna Colette. Vous connaissez ce type ?

- Oui, il me semble bien, oui. Je pense que c'est mon vieux pote Robert.

- Et vous ? Vous êtes qui, vous ?

- Je m'appelle Roland, je venais vous voir à propos de Gérard. Mais vous ne croyez pas qu'il faudrait faire quelque chose pour mon copain Robert ? Vous avez le téléphone ? On devrait appeler les pompiers, non ?

Colette intima l'ordre à Roland de rester là où il était et s'enferma dans son appartement. Roland colla l'oreille à la porte et entendit très nettement Colette raconter à la police qu'un assassinat avait eu lieu devant ses yeux et sur son palier. Elle dit encore que l'assassin était toujours sur place, avec un bouquet de roses et que non, elle refusait de sortir sur le palier pour le surveiller.

Roland devint blême, lâcha les fleurs et descendit l'escalier, enjamba le corps de Robert et s'enfuit en vitesse. Arrivé dans la rue Jules Verne, il se calma et observa à droite et à gauche. La police n'était pas encore arrivée, on n'entendait même pas les sirènes. Il prit à gauche et marcha d'un pas tranquille, abandonnant les papiers de Gérard dans une poubelle publique. Il prit l'avenue des Grands Erudits quitta la veste du contrôleur, conserva les 250 euros qu'il fourra dans la poche de son jogging et décida de rentrer chez lui torse nu.

Poussant la porte de son petit appartement négligé, Roland retrouva sa table bancale et s'assit sur le tabouret qui ne valait guère mieux. Il resta hébété quelques minutes, songeant aux événements incroyables de la journée, à l'arrestation de Gérard, à la mort de Robert, à l'attitude de Colette. Il sortit les 250 euros et la menue monnaie de la poche de son jogging et posa le tout sur la table. Il ne savait pas où il en était.

Il lui semblait que tant que Gérard ne rentrerait pas chez lui, rien ne pouvait le mener jusqu'à lui. Colette n'avait aucune raison de le connaître, elle aura fait la description d'un homme en veste trop correcte par rapport au pantalon de jogging mais cela n'allait sûrement pas permettre aux enquêteurs de remonter jusqu'à lui. Le problème, c'était désormais Gérard qui, même s'il ne faisait pas le rapport directement entre le drame survenu chez lui et sa personne, finirait immanquablement de revenir ne serait-ce que pour récupérer son porte-feuille, ses papiers, son argent et sa veste. Peut-être aussi pour rendre le T-shirt mais Roland n'en était pas bien sûr. Pour autant, tout cela n'allait pas permettre, lui semblait-il, de conclure qu'il s'était rendu au domicile de Gérard et Colette. Robert, lui, ne parlerait pas, c'était une chose entendue.

Tout d'un coup, Roland paniqua à l'idée que Gérard savait qu'il avait un ami qui se prénommait Robert et que Colette, quant à elle, avait certainement entendu Roland appeler Robert par son prénom, sans compter qu'il lui avait avoué s'appeler Roland et venir au sujet de Gérard. Allait-on faire le lien et parvenir jusqu'à lui ? Il le craignait et cela faisait perler des gouttes de sueur à son front. Il fallait qu'il décide de ce qu'il allait faire pour éviter les ennuis. Il ne pouvait pas quitter son appartement, surtout qu'il recélait un trésor inimaginable. Il pouvait tenter de retrouver Gérard et le supprimer. Mais où trouver Gérard ? Et puis Roland n'avait jamais tué personne de sang froid. Il n'était pas un tueur. Et puis, ne valait-il pas mieux occire Colette ? Ou les deux ? Et s'ils avaient un animal de compagnie ? Ou un enfant ? Ou plusieurs enfants ? Toute une fratrie ? Hein ?

La nuit était tombée, à présent. Roland s'allongea sur son sac de couchage et tenta de dormir. Il ne parvint à s'endormir qu'aux premières lueurs de l'aube, juste au moment où la police tambourinait à sa porte. Un frisson glacé lui parcouru l'échine.

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