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Quarante-neuf neuf
Tenez, je vous explique un peu ma journée. Ce matin, je suis parti bosser à Périgueux. Ce soir, il était vraiment proche de 20 heures, je passe par l'hypermarché du coin pour faire ces courses que je repousse depuis des lustres. Je vérifie, ça ferme à 20h30. J'ai le temps si je ne traîne pas. Je prends un chariot et je plonge la main dans la poche de ma veste pour la liste qui devrait s'y trouver. Je sors un téléphone portable, une blague à tabac, un stylo, quelques comprimés à la codéïne et à l'opium mais pas de liste de courses. Pourtant, j'en suis presque certain, je l'ai faite, cette liste. Sur un bout de papier jaune. Je m'en souviens parfaitement. Merde, il n'est pas là. Dans l'autre poche ? Macache. Merde.
Café. Ça, je sais, ce n'est même pas la peine de l'écrire. Le café, c'est obligatoire. J'en prends 1,5 kg. Ne mégottons pas. Il faut que ça tienne une semaine. Et quoi d'autre ? Ah oui ! Des patates. J'ai plus rien à bouffer ou presque. Je prends des spaghettis. Ça sert toujours. Des yaourts en promo ? Pourquoi pas ? Allez, zou ! Quoi d'autre, bordel ? Merde, merde, merde ! Bon. Il faut réfléchir. Ah oui ! Du chocolat noir. Je n'en ai presque plus. Et puis du lait. Oui. Je furète dans les rayons, histoire de voir si la révélation arrivera. Des fois, j'hésite. Ai-je besoin de cacahuètes ? Tiens, du whisky ? Oui mais non, j'en ai. De la bière ? Mouais, pourquoi pas. Bon...
Des trucs à bouffer. De la barbaque. Du bœuf. De la basse-côte pas chère. Sans doute de la vache de réforme. J'embarque. De la côte de porc dans l'échine. C'est comme la madeleine de Proust, chez moi, la côte de porc. Je prends. Du boudin noir. C'est bon, le boudin noir. Le chariot commence à avoir figure humaine.
Je passe à la caisse. C'est la fin de la journée, il y a peu de monde, peu de caisses ouvertes. Je choisis une hôtesse de caisse que je connais un peu, sympathique. Pas très belle mais sympathique. Je dépose mes achats sur le tapis. Le lait, les pommes de terre, les oignons et les gâteaux secs. Les spaghettis. Merde, le paquet s'ouvre. Des spaghetti partout sur le sol. Je commence à vouloir les ramasser. La caissière me dit que ce n'est pas nécessaire, que je n'ai qu'à aller chercher un autre paquet. Pas envie de repartir dans les rayons. Je ramasse mes spaghetti. Ça la fait rire. Elle me donne un sac en plastique pour les y mettre. Et un autre pour le paquet ouvert. On rigole, on plaisante. Je paie, on se souhaite une bonne soirée. Il n'est pas loin de 20h30 du tout, maintenant. Vraiment tout proche.
Je charge tout dans la bagnole et je prends la route d'Azerat. A Saint-Laurent-sur-Manoire, un camion couché dans le rond-point. Les flics dirigent les rares véhicules vers une déviation qui fait passer par le bourg. Des années que je n'y suis pas passé. Le concessionnaire Ducati n'est plus là depuis des décennies mais je ne peux pas m'empêcher de vérifier. Sainte-Marie-de-Chignac, Saint-Pierre-de-Chignac, Saint-Crépin-d'Auberoche, Fossemagne, Thenon. J'arrive à Azerat. Je monte les sacs de courses, l'ordinateur, l'appareil photo. Je me pose, je bois un verre d'eau, je mets en ligne le dessin fait ce matin avant de partir. L'encre doit être sèche mais je ne veux pas prendre le risque. Je mange un truc vite fait. Je retrouve la liste de course. J'ai acheté des trucs qui n'étaient pas marqués mais j'ai oublié le sucre en poudre, les pommes et le beurre. Bon. Ce n'est pas dramatique.
Là, maintenant, alors que j'écoute France Inter, je me prépare à aller continuer le bouquin de Pierre Lemaitre en cours. Bonne soirée.

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