2cv à Périgueux (3)

Avant d'aller dépanner un PC forcément en panne, je continue mon compte-rendu du rassemblement de 2cv à Périgueux organisé pour fêter les 75 ans de la naissance de cette automobile.

Qu'est-ce qui fait donc la force de la deux pattes Citroën ? Est-ce sa gueule atypique ? Cette face avant qui nous montre deux ailes rebondies surmontées de petits phares ? Ce profil immédiatement identifiable tracé d'un trait simple qui fait qu'un enfant ou qu'un mauvais dessinateur peut dessiner une 2cv reconnaissable ? Cette suspension dansante qui amuse ? Ce petit moteur au son aigrelet ? Cet agencement de solutions techniques avancées et d'économies de bouts de chandelle qui constitue un ensemble bizarre ? Je ne le sais pas. Il m'a toujours semblé que l'on ne pouvait pas acheter et conduire une 2cv par hasard. On peut refuser la solution proposée par Citroën et lui préférer un ersatz ou un autre. Certains, à une époque, lui ont préféré, allez savoir pourquoi, la 4L qui, pourtant et selon moi, ne possède aucun argument en sa faveur. On ne peut pas avoir d'attitude tiède vis-à-vis de la deuche. On l'aime ou on la fuit.

La 2cv en voit de toutes les couleurs
Pour moi qui suis très partisan, la 2cv est un véhicule éminemment sympathique. Elle n'est pas prétentieuse, elle est modeste. Elle est rigolote, amusante, on lui pardonne beaucoup. Elle peut pétarader dans un nuage de vapeur d'huile, se traîner sur la route, on l'excuse. La conduite d'une 2cv ancienne, c'est quelque chose ! Vous êtes assis sur une sorte de hamac tendu par des élastiques et vous avez ce volant en fer devant vous. A droite, vous avec le levier de changement de vitesse. Un tube coudé surmonté d'une boule. Devant vous, ce qui constitue le tableau de bord. Un ampèremètre et trois tirettes. Une pour le starter, une pour le contact et une pour le démarreur. Oui. Sur les vraies vieilles 2cv, pas de clé de contact. Pas plus de serrure de porte. Qui veut l'utiliser peut la prendre. A vos pieds, les trois pédales qui commandent l'embrayage, les freins et les gaz. Des pédales qu'il faut enfoncer droit devant vous en appuyant sur des tampons ronds de caoutchouc. L'accélérateur, lui, est une palette que l'on peut plaquer contre le tablier sans crainte. La 2cv est la seule voiture au monde que l'on peut mener à fond sur de nombreux kilomètres sans rien craindre pour sa santé.

Une restauration au-dessus de tout soupçon
Vous tirez le contact, vous maintenez la tirette de starter et vous glissez l'index et le majeur de votre main droite sous celle du démarreur. Un bruit se fait vite entendre. Le démarreur s'engrène sur la couronne du moteur qui commence sa rotation dans un bruit qui n'a rien de rassurant. Avec un peu de chance, ça démarre. La voiture est prise de secousses, de tremblements, de trépidations. Des sons arrivent de partout, ça vibre des ailes, du capot, du moteur, de partout ! Bien. Vous y êtes. Il faut agir ! Votre pied gauche pèse sur la pédale d'embrayage, la paume de la main droite empoigne le levier de vitesse et le bascule vers la gauche avant de pouvoir le tirer vers l'arrière. Vous êtes en première. Vous plongez vers le bas, vous tirez légèrement le levier de frein à main, le pivotez et le relâchez. Votre pied soulage l'embrayage tandis que l'autre appuie sur l'accélérateur. Comme vous aviez les roues braquées, la 2cv commence à rouler en faisant des bonds qui vous inquiètent. Etes-vous en train de tout casser ? Bien sûr que non ! C'est normal ! Normal mais, tout de même, ça fait peur. Le volant vous indique qu'il n'est pas d'accord. Vous devez le tenir fermement et vous ressentez les secousses jusque dans les épaules. Vous ne faites pas trop le fier, la sueur perle à votre front, vous terminez votre demi-tour en serrant les dents et vous remettez les roues droites. Ça va mieux. Accélération, le moteur rugit. Il faut passer la deuxième vitesse. Pied gauche à fond sur la pédale, pied droit relevé, main droite qui pousse le levier de vitesse, qui le laisse reprendre sa position centrale et qui pousse à fond, loin en avant. Vous êtes en seconde. Jeu de pieds, vous gagnez de la vitesse. C'est grisant. Le moteur prend les tours et montre sa bonne volonté. L'aiguille du compteur, dans le coin gauche du pare-brise, vous donne une indication approximative de votre allure. Vous roulez, la direction est douce, la suspension fait descendre et monter la voiture au gré des creux et bosses de la chaussée. Associée à la mollesse des sièges, vous vous promenez sur un axe vertical en même temps que vous avancez sur un axe horizontal. Là, c'est au choix le sourire ou la nausée qui vous arrive aux lèvres.

Marquée par les affres du temps mais toujours roulante
Vous passez la troisième. Simple ! Il suffit de tirer le levier droit vers vous en arrière. Immédiatement, l'aiguille du compteur s'envole. Parce que vous avez pensé à rouler la capote, le sommet de votre crâne frise d'une brise rafraîchissante bienvenue. Cette petite route de campagne en légère descente vous incite à passer la surmultipliée. Attention, manœuvre délicate à venir ! Un coup d'œil rapide sur le tableau de bord vous indique la technique. De la troisième, vous basculez le levier vers la droite et là, vous poussez à fond très loin en avant. Ah oui, ça surprend au début. Et là, vous accélérez tout ce que vous pouvez. Le moteur ne prend plus guère de tours. Vous êtes au maximum de la vitesse possible. Qu'indique le compteur ? 70 km/h ? Ce n'est déjà pas si mal pour un moteur de 375cc qui développe moins de chevaux qu'un petit vélomoteur de 125cc actuel.

2cv 1959 ou 1960
Mais on le sait bien, le bonheur ne dure qu'un instant et voilà un traître faux plat qui se profile à l'horizon proche. Le moteur baisse les bras. Il faut déjà repasser en troisième. Si vous n'êtes pas trop chargé, vous pouvez espérer conserver une allure de l'ordre des 60 km/h. Un peu plus loin, vous devez tourner et prendre la petite vicinale. Vous cherchez les clignotants ? Laissez tomber. Il n'y en a pas. Vous levez la demi-vitre et tendez le bras pour indiquer votre intention aux autres usagers de la route. Rétrogradage, braquage, la 2cv est prise de soubresauts inquiétants. Enfin on s'y fait, on apprend vite à élargir les virages serrés. Accélération, troisième, ça roule vite sur cette route défoncée. On comprend l'intérêt de cette suspension géniale. La voiture reste très confortable. On s'amuse, on se prend à chercher les nids de poule exprès, pour voir.

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Et à présent, voilà que la route devient une belle descente pleine de virages raides. A fond de surmultipliée, vous foncez en agrippant le volant avec volonté. La caisse penche dangereusement mais les roues ne quittent pas le macadam. Par contre, vous le sentez bien, il faut imposer votre idée au volant. Attention de ne pas le lâcher, les roues reviendraient bien vite en ligne droite. Vous filez ainsi de virage et courbe et, pour une fois, vous semez tout ce qui roule ou presque. Vous conduisez sportivement à allure modérée. Un bonheur à nul autre pareil.

Brochette de 2cv
Seulement voilà. En cette saison, le temps est changeant. La pluie arrive. Il faut s'arrêter pour remettre la capote en place. Les épaules trempées, vous reprenez place dans la voiture. Comment on met les essuie-glaces, sur cette foutue bagnole ? J'ai beau tiré la molette sous le compteur, il ne se passe rien ! Serait-ce en panne ? Si je tourne la molette, les balais se promènent sur la vitre mais sinon, ça ne fonctionne pas. Mince, ça doit être cassé. Et non ! Bon sang, mais c'est bien sûr ! C'est le câble du compteur qui entraîne le système ! Il faut rouler pour que ça fonctionne. Plus on roule vite, plus ça essuie vite. Pas bête. La nuit tombe. Il faut mettre les phares en tournant la commande fixée sur la colonne de direction. Hum. J'éclaire un peu bas. Une molette sous la planche de bord permet de régler ça aisément. Bien pensé. Mais c'est qu'il commencerait presque à faire frais, ma foi. On plonge sous la planche de bord, deux bouches de chauffage permettent de faire entrer l'air chaud puisé au niveau des culasses dans l'habitacle. Efficace, finalement.
Je reviens à mon point de départ. Je vais avoir du mal à reprendre ma voiture avec ABS, turbo-Diesel, aides à la conduite de toutes sortes, climatisation, phares au xénon, intérieur cuir et système de sonorisation huit hauts-parleurs, régulateur de vitesse et boîte robotisée 7 vitesses, deux-cents chevaux sous le capot et fermeture centralisée des portes, GPS et bluetooth pour le téléphone.

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