Tentative de feuilleton collaboratif du mardi (47)

C'est la débandade dans les rangs de la troupe de notre histoire. A peine débarqué à Pont-Aven, chacun part vers ses occupations comme si de rien n'était. Restés seuls, Roland et Robert, se posent bien des questions. Trouveront-ils des réponses ? Liaan qui prend la suite nous en dit plus sur cette affaire somme toute assez étonnante.

Robert et Roland continuait à observer l'horizon...

— Oh, énorme ce bateau, il faut relativiser, il est quand même loin, dit Roland, la mer est assez loin d'ici.

— On doit continuer de grandir, assure Robert, on mesure peut être trois ou quatre mètres de haut, en ce moment, après ce sera dix, vingt, trente mètres !

Tout en disant cela, Robert élève sa main vers le haut, et il tend tout son corps en ne s'appuyant que sur une jambe, cherchant à toucher le ciel.

— T'es con, Robert, on a notre taille normale : regarde les fils téléphoniques, les poteaux ne sont pas minuscules, lui répond Roland.

Les deux hommes, les mains dans les poches, se dirigent tranquillement vers l'agglomération de Pont-Aven.

— Il y a quand même pas mal de choses qui clochent dans notre aventure, lance Roland.

— Quoi donc ?

— Le fait que tout le monde foute le camp ainsi, avec une décontraction qui me sidère, comme si tout était normal et ordinaire, lui précise Roland. Et ces incursions dans le passé...

— Et alors ? interroge Robert.

— Tu trouves normal que, que ce soit à l'ère préhistorique, en 1892 et dans les environs de 1970, l'on ne puisse pas rester un peu de temps, je ne dis pas des mois, mais au moins quelques jours ?

— Ah ?

— Oui, c'est curieux, continue Roland... Comme si on ne devait pas s'attarder dans une autre époque que la nôtre... Tiens, je vais te dire le fond de ma pensée. C'est comme dans les rêves, tu vas découvrir quelque chose d'important dans une maison, ou un autre lieu, tu t'approches, tu vas savoir, et là paf ! Soit quelqu'un apparait et t'empêche de trouver, ou tout bêtement, tu te réveilles.

— Roland pense que nous sommes manipulés ! déclare Robert en écartant les bras.

— Oui, sincèrement, Robert, je suis persuadé qu'il y a quelqu'un ou quelque chose qui tire les ficelles derrière tout ça. Un autre exemple : on met je ne sais combien de temps à chercher le Nautilus, et pouf ! Le Nautilus apparait soudain devant nous...

— Lafleur, enfin, celui qui se faisait passer pour Lafleur, nous a expliqué qu'il maîtrisait le temps et qu'il pouvait naviguer à son gré dans les méandres du temps...

— Et a anticipé notre découverte, coupe sèchement Roland, nous cherchions à gauche, à droite, ici, plus loin, dans des papiers ou des tableaux... Et "Lafleur" s'est approprié toutes nos trouvailles !

— C'est normal, moi, à sa place, j'aurais sans doute agît de même ! Si tu as les moyens de voyager dans le temps, continue Robert, tu t'en sers !

— Mouais, je ne suis pas convaincu,lui répond Roland, il y a autre chose que "Lafleur"...

— Les Atlantes, alors ? Alice est un genre d'agent secret qui poursuivait le dénommé Némo devenu Lafleur, et voilà...

— Y'a trop de choses de bizarres, toute cette histoire me paraît trop simpliste...

Tout en discutant, les deux hommes étaient maintenant vers le centre ville, dans la rue principale...

— Ben dis donc ! s'exclame Roland, qu'est-ce qu'il y a comme galeries de peinture dans ce patelin...

— Eh ! on est dans une cité de peintres et de galettes, lui fait remarquer Robert, t'as vu le film avec Marielle ?

— Bien sûr ! Hé, ho ! Regarde ! Là, dans cette vitrine, montre du doigt Roland.

— Oui, et alors ? Tu me casses les pieds avec tes soupçons de mystères et tout ça, lui dit sèchement Robert. Je vais boire un coup dans ce bistrot, tu fais ce que tu veux...

Et accompagnant le geste à la parole, Robert entre dans le café voisin tandis que Roland regarde attentivement la vitrine de la galerie : une maquette en bois, certes grossière, une maquette du Nautilus ! Un Nautilus identique a celui qui a transporté tous les personnages de l'aventure...

— C'est du Tintin, pense Roland,comme dans "l'oreille cassée"; Tintin voit sa figurine primitive dans je ne sais combien de boutiques...

Le propriétaire de la galerie a mis son nom sur la vitre de la porte d'entrée : Pierre Aven, c'est bien un gars du cru, constate Roland, en entrant dans la boutique.

Cling ! fait un petit carillon, Roland a le temps d'observer les autres toiles exposées à l'intérieur, avant que quelqu'un vienne... Beaucoup de marines, de paysages bretons, des tableaux "à la Gauguin"...Un tableau l'interpelle : d'une facture assez naïve, il ressemble en gros à ce fameux tableau de Tante Etzelle où ils cherchaient tous des indices pour retrouver le Nautilus. Roland retrouve dans la toile, cette plage, l'amorce d'un tunnel avec ce voilier dont le nom est, ici, très lisible : Azerat ! Roland regarde la signature : Loiseau... Loiseau, connais pas ce peintre... Mais je ne connais pas les autres peintres non plus... Tout à ses pensées, Roland sent soudain une présence : un homme barbu, d'un cinquantaine d'années se trouve derrière lui, assis dans un fauteuil roulant.

— Monsieur est amateur de toiles et désire peut-être un renseignement, lui demande le marchand.

— Non, ce qui m'a fait venir dans votre galerie, c'est ce sous-marin exposé en vitrine...

— Ah, le "Sultan" ? C'est ainsi que je l'ai baptisé, il y a fort longtemps, c'est un souvenir d'enfance...

— Un souvenir ? interroge Roland.

— Oui, c'est un sous marin que j'ai fabriqué lorsque j'avais onze-douze ans... suite à une aventure vécue...

— Comment cela ?

— C'est simple, j'avais onze ans lorsque j'ai trouvé un sous-marin miniature au bord d'un étang, dans les environs, un sacré beau modèle en métal, avec tous les accessoires, c'est bien simple, on aurait dit un sous-marin qui aurait été miniaturisé ! Piqué au vif, Roland sort de sa poche le Nautilus et le montre au marchand. Ce dernier a les yeux presque exorbités et reste un moment silencieux, puis d'un voix étranglée dit :

— C'est tout a fait lui, un peu plus petit, mais c'est lui ! Et, les larmes aux yeux, il manipule le petit sous-marin de ses doigts tremblants. Tout à fait le "Sultan" !

— Racontez-moi, lui demande Roland.

— C'est un peu la raison de mon infirmité, déclare Pierre. J'ai trouvé ce sous-marin lorsque je faisais voguer mon petit voilier, le "Fantôme", mais une méchante bande de gamins de mon âge m'a fait fuir, mon voilier a été brisé par les vauriens, et j'avais caché le sous-marin dans l'appenti de la maison... La nuit venu, j'ai voulu le faire naviguer dans l'étang, mais le sous-marin a coulé, et la bande de garnement m'est tombée dessus, m'a filé une roustée et m'a laissé pour mort dans l'étang... Je suis resté plusieurs mois à l'hôpital mais les médecins n'ont pas pu sauver mes jambes... J'avais fabriqué cette réplique du sous-marin pendant ma longue période de convalescence...

Ému par le récit, Roland n'osa pas dire qu'il était dans ce sous-marin, il y a peu de temps... Pierre ne l'aurait pas cru.

Avec un petit pincement au cœur, Roland sort de la boutique, il a donné le Nautilus à Pierre Aven...

Puis il se dirige vers le petit café pour y retrouver Robert et lui narrer toute cette histoire troublante. Le café est presque désert à cette heure, un rapide coup d'œil le renseigne, Robert n'est pas là, peut-être aux toilettes, pense Roland... Il s'accoude au bar, commande un demi, et interroge le bistrotier sur la présence de Robert. Le patron lui dit qu'un garçon de l'âge de Roland était bien venu dans son bar, a bu un demi, et est parti, il y a bien vingt minutes... Interloqué, Roland boit son verre, paie et sort du bistrot en concluant :

— Il y a vraiment quelque chose qui cloche dans toute cette histoire : les personnages que je côtoie disparaissent un à un... Roland regrette d'avoir laissé le Nautilus au galiériste, il veut y retourner, mais devant la boutique, il constate que le bec de cane est retiré, et un petit panonceau lui indique "fermé".

Une embrouille de plus, se dit Roland, qu'est-ce que je puis encore faire à Pont-Aven ? Et si j'allais rendre visite à Cousine Gaëlle ? Elle m'éclaircirait pas mal de choses. Sitôt pensé, sitôt agi. Roland prit le chemin de la maison de Gaëlle Labornez, située plus à l'est de Pont-Aven. Tout en cheminant, Roland réfléchit et se dit que Robert avait l'air de plus ou moins rigoler lorsque Roland lui disait que l'on étaient manipulés...

La cousine Gaëlle ne devrait pas être trop étonnée de me voir, nous ne nous sommes quittés que depuis ce matin. Mais arrivé à la maison de Gaëlle, c'est Yannick qui lui ouvre la porte.

— Cousin Yannick ! déclare Roland, je te croyais mort !

— Le cousin Roland Verne ! Ben ça, je te remercie, c'est vrai que nous ne nous sommes pas vus depuis un sacré bail, mais tout de même, me croire mort, tu en as de bonnes !

La cousine Gaëlle choisi ce moment pour apparaître :

— Roland ! s'écrie-t-elle, c'est bien toi ? J'attendais ta visite, après la lettre que tu m'as envoyée...

— Ma lettre ? dit Roland, et immédiatement, il repense à l'envoi des documents sur le Nautilus, envoi effectué, il y a, il y a, combien de temps déjà...

— Tu m'as envoyé des papiers que je ne devais remettre à personne d'autre que toi, tu te souviens...

— Oui, Cousine Gaëlle, je me souviens bien.

Et Gaëlle de se retirer dans la chambre pour aller chercher l'enveloppe... Devant un verre, Yannick demande à Roland :

— Alors, pour toi, j'étais décédé... Et on peut savoir de quoi ? Perplexe, Roland répond :

— Ben, en mer... Vers 1975...

— 1975... réfléchit Yannick, c'est vrai qu'il y a eu de beaux grains cette année là... Ah, si ! Je me souviens, la Gaëlle m'avait demandé de me faire porter pâle, deux ou trois jours avant une brusque tempête en mer, qui avait surpris les météorologues de l'époque... 1975, c'est bien ça. Beaucoup de camarades ont disparu cette année là... Ta cousine a eu le nez creux pour m'avoir empêcher de partir à ce moment là... J'ai l'impression qu'elle avait dû avoir, comment dirai-je ? une vision, voilà, une vision, tu sais, les bonnes femmes ont un sixième sens...

— Taratata ! les bonnes femmes comme tu dis, mon Yannick, c'est la sauvegarde de l'espèce humaine, je te dis, si il n'y avait pas les bonnes femmes, comment feriez-vous pour vous reproduire, vous, les hommes ? demande la Cousine Gaëlle... Bon, mon gars, il y a un problème : je ne retrouve pas ton enveloppe, pourtant, elle était bien rangée, mais je n'arrive pas à mettre la main dessus...

— Ce n'est pas grave, Cousine Gaëlle, ce n'est pas grave... (Un élément de plus qui disparaît, pense Roland, inutile de parler du Nautilus, Gaëlle n'y entraverait que pouic...).

— Tu restes à manger avec nous, il va être l'heure de la soupe, propose Yannick. Roland accepte. Tout en se restaurant, Roland demande aux époux Labornez :

— Je repense à un truc caractéristique de votre maison, vous avez toujours la cave à double-fond ?

— Cave à double-fond ? dit Yannick.

— Oui, cela vous servait de planque pendant l'occupation, vous y avez planqué aussi bien des juifs pourchassés, des aviateurs alliés, que des armes parachutées... Et le poste émetteur, dont l'antenne était reliée à votre fil à linge, dans le jardin...

— Oui, notre maison à rendu de sacrés services pendant l'occu, mais vers 1975, ou 1976 je crois, hein Gaëlle ? demande Yannick.

— Oui, 1976, l'année de la grande sécheresse, complète Gaëlle.

— En 1976, les services municipaux ont muré notre "double-fond" comme tu l'appelles, Roland, à cause des risques d'effondrement, de possibles éboulements, les galeries étaient taillées dans la craie...

Après avoir évoqué des souvenirs concernant essentiellement l'enfance de Roland, ce dernier prend congé de ses cousins, et reprend le chemin de la ville.

Roland repense à Alice... Elle avait pu répondre au souhait de Gaëlle...

Sur le chemin, il vit le petit café "Chez José" et décida d'y entrer. Dans la salle, pas grand monde, Roland reconnaît le cafetier, qui était prisonnier, avec les gendarmes, dans le Nautilus. Roland salua et alla s'asseoir près d'une fenêtre, José vient s'enquérir, mais ne reconnait pas spécialement Roland. J'aurais été étonné, pense pour sa part Roland. Un café, ça marche ! dit José après avoir essuyé rapidement la table en formica, avec son torchon. Une voix éraillée attira le regard de Roland vers une dame d'une bonne cinquantaine d'année. José cria presque :

— La ferme, Chantal, ou parle moins fort, tu ennuies tout le monde avec tes histoires de petits bonshommes au pique-nique... Tu radotes, Nom de Nom !

Roland est troublé par cette femme déformée par l'alcool, qui a dû être jolie lorsqu'elle avait la vingtaine... Dans les années 1970, Johnny, le mange disque... Roland avise un juke-box, comme dans le temps, c'est vrai que l'on en voit de moins en moins, des juke-box... Roland se lève et s'approche de l'appareil, il faut mettre des francs ! La dénommée Chantal lui dit qu'il faut échanger des euros contre des francs pour faire marcher le bastringue. Poliment, Roland la remercie et se rend au comptoir où José lui donne six pièces d'un franc contre la pièce d'un euro qu'il tend à José. Il se dirige à nouveau vers le juke-box et surpris, il remarque parmi les titres disponibles, "Mamy Blue" par Joël Daydé et ses Pop-Tops... Il sélectionne ce titre et à peine les premières mesures interprétées que Chantal vient vers Roland et lui dit :

— Monsieur, vous me sauvez la vie ! Comment avez-vous su que c'était ma chanson préférée ?

L'haleine chargée de vin blanc fit reculer Roland qui alla s'asseoir à la table, devant sa tasse. La Chantal s'assit d'autorité face à lui... Elle reprend :

— Cette chanson est gravée à jamais dans ma mémoire, c'était un après-midi, dans la campagne, on faisait un pique-nique avec les copains... Quand j'ai vu ces petits bonshommes, tout petits, et Chantal de mimer avec son pouce et son index une hauteur de trois à quatre centimètres, hauts comme ça !

— Chantal, tu importunes Monsieur avec tes radotages, lui lance José.

— Donne-moi plutôt un petit verre de blanc que Monsieur va te payer, hein, Monsieur comment ?

— Roland, appelez moi Roland. En lui-même, Roland pensait que la vie est dégueulasse, comment ce beau brin de jeune fille a pu, en quarante ans, se transformer en cette hideuse créature, car pour lui, c'était bien la Chantal qu'il avait admiré quelques heures plus tôt, dans la prairie. Monsieur Roland, vous êtes un monsieur qui aime la beauté, je parie que vous êtes peintre et venu dans le coin pour vous imprégner de l'atmosphère de Pont-Aven... Atmosphère, hi hi hi.

— Oh, la Chantal, doucement, tu n'es pas encore la maire de Pont-Aven, que je sache, pour me commander ainsi...

Malgré tout, José s'approche de la table et verse un blanc sec dans le verre de Chantal, tout en disant :

— Chantal, arrête tes histoires abracadabrantes !

— Comme des histoires de sous-marin ? lance brutalement Roland

— De quoi, de quoi ? De sous-marin ? lance, les yeux furibards, José, qui quelques minutes auparavant avait vu en Roland, le bon client qui allait se retrouver embobiné par la Chantal, et qui permettrait d'alléger l'ardoise de cette dernière.

— Sortez, Monsieur, il est des mots interdits dans ce lieu, sortez ! Votre café et le verre de vin blanc que je viens de servir sont sur le compte de la maison !

Contre son gré, Roland sort et hésite quant à la direction à prendre... Inutile de retourner au café pour demander l'adresse de ce Kermitt, boulanger à la retraite, lui aussi passager involontaire du Nautilus... Roland voit que tout lui échappe, il a vécu des trucs mais tout fout le camp, ses souvenirs coulent un par un, comme du sable sec coule de la main qui tenait une bonne poignée de sable, et, on lui écarte les doigts, à présent... Bientôt, il n'y aura plus de sable...

Une idée soudain lui traverse l'esprit et le met en joie : la gendarmerie ! Les Chapraudt, voilà du concret ! Cons comme ils sont, ils ne peuvent que raconter la vérité ! Direction la Gendarmerie. Roland reprend la direction du centre-ville et en suivant la rue principale, trouve la Gendarmerie, en surplomb par rapport à la rue. Comment vais-je leur raconter cela, sans passer pour un illuminé ? pense Roland. Bon, allez ! J'y vais ! Roland entre dans le hall d'accueil, derrière la banque, un téléphone vient de sonner, un des gendarmes décroche et Roland entend :

— Oui, Chef... Entendu, Chef ! À vos ordres, Chef ! Je n'y manquerai pas, Chef ! Bien entendu, Chef ! À vos ordres, Chef ! Au revoir, Chef !

Le gendarme raccroche et dit à son collègue :

— C'était le Chef !

Et il accueille Roland :

— Monsieur ?

— Roland Verne, journaliste à France-Enquête... Je fais un papier sur les os de dinosaures que l'on a trouvé sur la plage, le long de l'Aven...

— Ah ? C'est que l'on a déjà tout dit sur cette affaire : c'est un canular !

— Mais, reprend Roland, comment un canular a pu prendre autant d'importance, mon Adjudant ?

Le simple gendarme, promu d'autorité adjupète, ne peut qu'expliquer que c'était une blague d'étudiants en médecine venus de Paris, ah, ces Parisiens ! Ils ont laissé traîner des os de bœuf agencés d'une telle manière que même des savants péloéogistes se sont laissés berner ! Des savants, vous vous rendez compte ! Et dire que l'on dépend de ces personnes là, des savants qui se gourent !

— Mais heureusement, mon Colonel, vous étiez là pour remettre les choses à leur place, dit Roland.

— Ah, ça, on ne pouvait pas retrouver les bœufs en question, mais on a mis le holà sur ces affaires de diplodocus inexistants, lui répond le "Colonel".

— Il devait y avoir les gendarmes Chapraud et Chapraut sur l'affaire, demande innocemment Roland.

— Chaprot, vous dites ? Connais pas, enfin si : il y a eu un Chapraud, dont vous pouvez admirer la photographie derrière vous, au-dessus de la plaque des "Morts pour la France". Adjudant Noël Chapraud, 1892-1915... La Grande Guerre, grosse hémorragie de notre belle jeunesse... Même si de mauvaises langues, les anarchistes, disent que les gendarmes faisaient le sale boulot en quatorze, pourchasser les déserteurs entre autres... Discours de gauchistes !

Roland observe le portrait de Chapraud, avec bandeau noir autour du cadre, un "Chapraud" qui ressemble beaucoup à notre "Chapraud", trouve Roland.

— C'était l'ancien Commandant de la Brigade, jusqu'en quinze... reprend le gendarme.

— Et il n'y a pas eu d'autre Chapraud chez vous ? Demande Roland.

— À notre connaissance, non... Ah si ! Il y a eu voilà quinze jours une affaire épatante : une troupe de comédiens, appartenant à un cirque ambulant, des Manouches quoi, qui avaient un couple de pseudo-gendarmes qui répondaient aux patronymes de Chapraud et Chapraut, Noël et Léon.

— Tiens, remarque Roland.

— Voui, des saltimbanques, rendez vous compte, ces deux faux gendarmes roulaient en Renault 4 ! reprend le gendarme. Une 4L... La dernière 4L en service à la brigade, elle a été réformée en 1997, c'est vous dire. Et en plus, ils étaient saouls du matin au soir, comme si les gendarmes buvaient autant...

— Oui, il en existe, place Roland.

— Qu'insinuez-vous par cette remarque ?

— Ben...

— Bon, écoutez, Monsieur le journaliste, vous êtes là pour l'histoire de ce canular à base de diplodocus, ou pour autre chose. Si je vous demandais votre carte de presse, moi ? Je considère que l'entretien est clos ! Bonsoir, Monsieur !

Et Roland sort, dépité une fois de plus. Ainsi, les Chapraudt existeraient peut-être...

J'ai tout de même l'impression d'être mené en bateau dans toute cette histoire... Même si le bateau est un sous-marin...

À ce moment, une clameur ramène Roland vers le centre-ville. Une manifestation sur la place. "On nous cache tout, on nous dit rien..." Les paroles de Jacques Dutronc sont chantées par des dizaines de voix. Roland interpelle une jeune manifestante et lui demande ce que c'est.

— Les os d'animaux préhistoriques ne sont pas un canular de carabins, ils existent, lui répond la jeune femme, qui s'écarte de Roland pour rejoindre un des groupes qui tiennent des banderoles avec les mots : "Vérité sur les ptéranodons" !

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