Passé motorisé

Comme il est habituel chez moi, alors que je cherchais quelque chose je suis tombé sur tout autre chose. En l'occurrence, il s'agissait de boîtes de diapositives anciennes. Bien entendu, j'ai abandonné ma quête initiale pour perdre mon précieux temps à regarder puis numériser certaines de ces vieilles photographies.

Des diapositives mal exposées et mal cadrées, des mises au point approximatives, des couleurs délavées lorsqu'elles n'ont pas complètement virées. Des diapositives pleines de poussière, déchirées pour certaines. Des diapositives qu'il ne m'est pas possible de dater, d'autres qui présentent des personnes que je ne parviens pas à identifier. Ce sont des photographies de famille. Elles ont été prises pour la plupart par mon grand-père maternel. Le passé vieillit mal.

Il y a les photos de mariage, de communion, d'anniversaire, de vacance. Certaines sont légendées. On sait que cette série a été faite en Norvège quand celle-ci a été réalisée dans les Vosges. Il y en a qui datent vraisemblablement des années 80 et d'autres qui doivent surgir des années 50 ou 60. Il y en a où j'apparais. Avec mon arrière grand-mère ou devant un gâteau acheté pour mon deuxième anniversaire. Il y a celles avec ma mère, avec mon père, avec mes frères. Celles prises à Conflans-Sainte-Honorine et quelques une qui peuvent venir de Pontoise. Il y en a une où l'on voit mon grand-frère et moi dans le jardin de ce que l'on appelle chez nous "la maison humide". Une maison que mes parents avaient louée lorsqu'ils avaient vendu l'appartement de Conflans pour acheter un pavillon à Pontoise. Il fallait attendre que le pavillon soit terminé et nous avons vécu dans cette petite maison humide entre 1968 et 1969. J'ai des souvenirs de cette période. Sur cette photo, il y a la P60 Simca de mon père. Pas de date précise, par contre. Je suppose que c'est un printemps ou un été. Possible que ce soit durant mai 68. Je me plais à me le faire croire.

Sur ces photos, il y a des personnes mortes depuis. Pour celles qui sont encore de ce monde, on note qu'elles ont pris parfois une cinquantaine d'années dans la tronche. Je ne me souvenais plus qu'elle avait eu autre chose que des cheveux blancs. Je ne me souvenais plus qu'il avait pu être aussi petit. Le temps passe et ce n'est pas toujours à la faveur de celui ou celle qui a pris les années qui se présentaient sans discernement et sans se méfier. En général, il ne fait pas bon vieillir. C'est ce que je me dis en regardant ces images. Les monuments, les paysages, les bâtiments s'en sortent mieux. On ne remarque pas grand chose.
Ce qu'il y a de plus intéressant, dans toutes ces photos, c'est le manque d'intérêt. Là, une dame (je ne sais pas qui elle est) pose fièrement devant un grand arbre (je ne sais pas où). Là, c'est une barre d'immeubles. Pas de personnage, pas d'indication. Et en plus, elle est de traviole. Une communion. De qui ? Des personnes sur les marches d'une église. Je ne connais pas cette église. Je pense reconnaître ma grand-mère. Ce n'est pas certain mais très probable. Le plus souvent, je me demande pourquoi on a déclenché. Pourquoi a-t-on jugé utile de presser le déclencheur de l'appareil photo ? Ça a usé une vue, ça a coûté des sous pour le développement. Et surtout, pourquoi a-t-on jugé important de conserver cette photo manifestement ratée ? Mystère.
J'ai cherché de la photo intéressante, marquante de l'époque. D'une époque. De la photo "Doisneau". Je n'en ai pas trouvé beaucoup. L'anniversaire du frangin ou le barbecue dans le jardin de l'oncle, ça ne va pas intéresser grand monde. Même moi qui suis un grand sentimental, j'ai du mal à m'extasier devant tout ça. J'espérais à tout le moins une pointe de nostalgie, un petit quelque chose qui m'aurait fait comme un petit pincement au cœur mais ça n'est pas arrivé.
Mais bon. J'avais commencé à regarder ces images et j'y ai passé pas mal de temps. Il ne fallait pas que ce soit en pure perte non plus. Alors, j'ai fait une sélection de trois photos pour le billet du jour. La première, je ne sais pas de quand elle date. On peut être à la fin des années 50 ou au début des années 60. Elle met en scène la 4cv Renault de mes grands-parents maternels. Il s'agit de leur première auto, je pense. La photo est posée. C'est de la pure spéculation de ma part mais je suppose que la photo a été prise peu de temps après l'achat de la voiture. Ma grand-mère est dans la 4cv et mon grand-père, certainement, derrière l'appareil photo.

La 4cv de mes grands-parents maternels

La seconde photographies est datée. Nous sommes en 1963. Enfin moi, par la force des choses, je ne suis pas encore là. Quoi qu'il soit possible que je sois déjà dans le ventre de ma mère. Quoi qu'il en soit, je n'ai pas un grand souvenir de cette scène. Il s'agit de l'Estafette Renault de mon père. Je sais que cet utilitaire avait été acheté neuf. Il ne doit pas être bien vieux sur la photo. La diapositive est très poussiéreuse. Je ne me suis pas amusé à la nettoyer ou à la retoucher après numérisation. C'est mon grand-frère que l'on aperçoit à l'arrière du véhicule.

Estafette de mon père

Sur le troisième cliché, je suis bien là, par contre. Je suis au volant de la 2cv familiale. Derrière, il y a toujours mon grand-frère et un landeau qui pourrait bien être le mien. On aperçoit le bras de ma mère. La photo n'est pas datée mais je n'ai pas l'air bien vieux. Nous sommes peut-être en 1965 ou 1966. Je ne sais vraiment quel âge je peux avoir. Je ne me souviens pas non plus de quel modèle de 2cv il pouvait bien s'agir. Une des années 50, c'est certain. Elle semble être déjà un peu ancienne au vu de l'usure de la peinture du volant. Le tissu des sièges laisse penser que ce pourrait être un modèle d'avant 1956. C'est peut-être la plus ancienne trace de mon passage sur terre. Enfin disons que là, je reconnais que c'est moi qui suis au volant. Sur d'autres photos, je vois parfois des enfants très jeunes qui me laissent perplexes. Impossible de savoir s'il s'agit de l'un de mes frangins ou de moi. Mais bon, on s'en fout.

Au volant de la 2cv paternelle

Haut de page