A la fin du 19e siècle, ce sont treize moulins qui se suivent le long de la Couze. Les villages de Couze et Saint-Front sont le berceau de l'industrie papetière française dès le début du 15e siècle. Aujourd'hui, trois papeteries demeurent et l'une d'elles est devenue un écono-musée que l'on peut visiter pour apprendre la magie de la fabrication du papier. En raison du débit régulier et constant de la Couze et de la qualité exceptionnelle de son eau au Ph neutre (de l'ordre de 7), on a vite compris que le site était idéal pour produire du papier. La visite du musée est l'occasion de comprendre cette histoire du papier et les conditions dans lesquelles les habitants du cru travaillaient.
A l'époque, il n'était question que de papier chiffon. Ce sont les chiffonniers qui approvisionnaient les moulins en matières premières. Tissus de lin et de chanvre, mais aussi matières organiques que l'on utilisait pour "coller" le papier[1]. Ces tissus étaient confiés aux mains d'une équipe de femmes qui avaient pour tâche de les découper en petits morceaux[2] à l'aide d'une lame de faux fichée dans une sorte de banc. La petite histoire relate que ce travail était dur et malsain. Les tissus étaient sales et il est attesté qu'une ouvrière aurait attrapé la peste dans les années 1930. Les travailleuses étaient payées au poids de pétassous produits.
Dans les premiers temps, ces bouts de tissu étaient écrasés dans des piles à maillets avant l'arrivée des piles hollandaises. La technique est la même dans les deux cas. Il s'agit d'écraser le tissu pour obtenir la fibre qui constituera la pâte à papier. Pour entraîner ces piles, il fallait de l'énergie. L'eau permet d'entraîner la roue à aubes du moulin et tous les mécanismes mécaniques ou les pompes. A Couze, les roues sont dites "en dessous". Cela signifie que l'entraînement ne se fait pas par une chute d'eau qui arriverait sur le haut de la roue mais par le courant provoqué par un canal rétréci à la base de ladite roue. De ce fait, les roues des moulins de Couze sont étroites.
Les fibres végétales tirées du tissu étaient lavées dans des sortes de grandes lessiveuses avec de la soude ou du chlore. Cette grande lessive était là encore réservée aux femmes et on dit que celles qui étaient affectées à ce travail préféraient revenir à la découpe des tissus tant le contact avec les eaux de lavage était difficile à supporter.
Ce sont les hommes qui prenaient le relai pour confectionner la pâte à papier. Ils s'occupaient de faire fonctionner les piles et à façonner les feuilles de papier. Longtemps, tout le papier était produit en feuilles sur des formes vergées et filigranées de tailles différentes.
Une fois la feuille réalisée, elle était déposée sur un feutre puis couverte par un autre feutre et ainsi de suite jusqu'à obtenir un empilement de 101 feutres et 100 feuilles. Cet empilage était alors placé sous une énorme presse pour extraire le maximum d'eau.
On séparait alors les feuilles de papier des feutres et on confiait à des ouvrières le soin d'aller les faire sécher sur des cordes de chanvre dans les séchoirs[3] surplombant le moulin. Ces séchoirs sont munis de panneaux (les interlats) qui permettent de contrôler l'aération et la lumière du soleil et de la lune capables de blanchir ou jaunir le papier[4]. Pour étendre les papiers sur les centaines de mètres de corde, les ouvrières utilisaient des bancs d'étendage et des ferlets, sortes de T en bois qui permettent de lever la feuille jusqu'à la corde. Le papier restait là durant quelques jours pour sécher.
L'ultime étape consiste à faire repasser les feuilles de papier sous la presse pour l'aplanir. Ensuite, il y a l'étape du tri et on peut lisser le papier selon la finition que l'on souhaite obtenir.
La visite du musée permet de voir une collection de vieux papiers, les plus anciens datant de la fin du 16e siècle.
L'écono-musée de la Rouzique a un site Internet www.moulin-de-la-rouzique.com où l'on peut en apprendre bien plus sur son histoire, sur l'histoire du papier, sur la fabrication du papier, sur les horaires d'ouverture et tout plein d'autres choses.
Notes
[1] Le collage, obtenu autrefois par ajout de colle animale (colle de poisson ou gélatine animale) permet de rendre le papier imperméable. Sans collage, nous obtenons du papier buvard.
[2] les pétassous
[3] Les étendoirs
[4] On fabriquait des papiers blancs que l'on voulait blancs mais aussi des papiers de couleurs. Il fallait éviter que l'effet de la lumière vienne colorer ou décolorer la production.
1 De zaréelle - 08/10/2011, 15:15
Répondre au commentaire de zaréelle
Magnifique.
C'est dans ce village qu'existe pour moi le plus beau des papiers : Larroque.Ils exposent leurs papiers pendant 3 jours au Festival du Livre de Mouans-Sartoux mais comme j'ai un bon rhume, ce sera pour une autre fois !
2 De shanti - 08/10/2011, 16:49
Répondre au commentaire de shanti
Beau reportage,
Merci pour cette re-visite !
3 De clafy - 08/10/2011, 18:32
Répondre au commentaire de clafy
Excellent, le guide, merci beaucoup !
4 De Sax/Cat - 08/10/2011, 20:52
Répondre au commentaire de Sax/Cat
Et rien sur les rouleaux triple épaisseur ?
5 De Lib - 09/10/2011, 02:14
Répondre au commentaire de Lib
Ah ! J' y fus ... Je connais .. Rien sur la refente du papier ? :'o((
6 De Astar - 09/10/2011, 09:40
Répondre au commentaire de Astar
Intéressant reportage,
Je rêve toujours devant de très beaux papiers. Hélas, ils sont souvent hors de prix !
7 De michel - 09/10/2011, 09:45
Répondre au commentaire de michel
Oui, c'est vrai que je trouve le prix de ces papiers assez prohibitif. Et puis, ils ne correspondent absolument pas au genre de papier que j'utilise.
8 De shanti - 09/10/2011, 14:07
Répondre au commentaire de shanti
Pourtant le papier utilisé pour le "blog" semble tout droit venu de cette manufacture !
9 De michel - 09/10/2011, 15:23
Répondre au commentaire de michel
@shanti : le papier utilisé pour le "blog" est 100% numérique et respectueux de l'environnement car recyclable à l'infini.
10 De Boumbah! - 10/10/2011, 10:22
Répondre au commentaire de Boumbah!
@Lib : Il est vrai que l'auteur de ce magnifique texte a omis de parler de la découpe du papier qui se faisait en large et non en long !
Je serais donc bien en peine de refendre ce papier-là ?!
11 De michel - 10/10/2011, 10:32
Répondre au commentaire de michel
@Boumbah! : Diable ! On sent le refendeur professionnel, là. C'est vrai que j'ai omis de parler de la machine à papier. Mille excuses.
12 De Boumbah! - 10/10/2011, 11:31
Répondre au commentaire de Boumbah!
Et point z'une petite photo de la machine ?
13 De michel - 10/10/2011, 11:51
Répondre au commentaire de michel
@Boumbah! : Si mais elles ne sont point très jolies.
14 De shanti - 11/10/2011, 16:00
Répondre au commentaire de shanti
Michel, ça je l'avais bien compris ;)
Inusable, inaltérable, pas de trace de gomme, de tâche de café ou de graisse de canard !
Ben ma foi il aura une vie bien propre, mais tristounette ;(