L'humidité et la pourriture

Ce soir, sans grande conviction, juste pour patienter dans l'attente que mon frichti du soir finisse de réchauffer, j'ai pris une feuille de papier déjà partiellement utilisée pour tenter un dessin. J'ai vite abandonné.

En ce moment, il pleut. Pas une pluie désagréable mais tout de même une pluie humide. Il y a longtemps que j'ai remarqué que je ne pouvais pas dessiner sur du papier humide. Le papier devient mou et la mine de crayon a du mal à accrocher à sa surface ou il laisse un trait qui ne me plaît pas ou encore c'est la sensation de la mine sur le papier humide que je n'aime pas. N'empêche qu'il y a comme un truc qui ne me va pas de dessiner sur du papier humide. C'est comme ça et c'est une excuse toute trouvée pour expliquer pourquoi il n'y a pas de dessin dans ce billet d'aujourd'hui.
Le dessin, c'est à la fois une question d'envie et une question de conditions. Pour l'envie, ça ne se commande pas. Il y a des périodes où elle est là et d'autres où elle ne vient pas, où elle se fait attendre. Ça peut durer longtemps ou pas. C'est variable et ce n'est pas plus discutable que contrôlable. Pour les conditions, c'est plus compliqué. Je ne pense pas que tous les "dessinateurs" soient comme moi mais pour ma part, il faut que je m'habitue à tout un tas de facteurs extérieurs divers. Déjà, je ne peux pas dessiner n'importe où sans préparation, sans une forme d'apprivoisement des lieux. Pour l'endroit où je dessine le plus souvent, chez moi, à ma table, il faut que je sois à ma place sur ma chaise dans une certaine position avec une certaine lumière et une certaine ambiance globale.
Et il y a aussi un peu l'état d'esprit. Il me semble qu'il me faut me sentir serein. C'est à dire que si quelque chose occupe mon cerveau, il ne me reste pas assez de cerveau disponible pour dessiner. Sans doute que j'ai un trop petit cerveau. Pas impossible mais je ne vois pas ce que j'y peux faire. Par exemple, si je veux écouter de la musique en dessinant, il faut que ce soit de la musique facile ou de la musique que je connais bien. Il ne faut pas de surprise. Pareil si je veux dessiner en présence de quelqu'un qui veut tenir une discussion à lui tout seul. Ça va très bien si je connais plus ou moins le contenu de cette discussion à l'avance.
Cependant, en ce moment, je ne dessine pas beaucoup. Et ce n'est pas vraiment à cause de l'humidité de l'air ou de musiques trop curieuses pour mon cerveau. C'est, je pense, que je n'ai pas la tête à ça. J'ai la cervelle préoccupée par d'autres choses qui monopolisent les facultés intellectuelles à ma disposition. Parmi ces choses, il y a sans aucun doute le fait que j'ai de plus envie de changer d'orientation professionnelle. L'idéal serait que l'on accepte de me licencier et que je passe à autre chose. Je ne dis pas que ce que je pourrais faire serait plus intéressant mais il y a peu de chance pour que ça le soit moins. Je n'ai plus aucun intérêt à me rendre au boulot. Il n'y a pas si longtemps, je pouvais encore me raccrocher un peu à l'informatique mais même ça, dans le cadre de cet emploi tout du moins, j'ai le sentiment d'en avoir fait le tour. J'ai l'impression de passer mon temps à m'occuper de débiles mentaux qui ne comprennent rien. Je n'ai jamais rêver de travailler dans le social, moi. Une vraie panne informatique, un problème de logiciel ou de matériel, là oui, d'accord, je veux bien. Se pencher sur un problème et tenter de le résoudre, ça me va. J'aime bien. Répéter encore et encore aux mêmes personnes qu'il faut cliquer ici avec son doigt sur ce bouton de la souris pour que ça fonctionne, ça a finit par me lasser. Et la lassitude, ça ne me vaut rien.
Un temps, je me suis amusé à faire des photos de produits pour la société qui m'emploie. Maintenant, ça ne m'amuse plus du tout. En premier lieu parce que l'on ne prend visiblement pas conscience du travail que ça représente. C'est à dire que l'on trouvait pratique que je travaille gratuitement depuis chez moi mais que l'on a jamais pris la peine de se demander combien de temps je pouvais passer sur une série de photos. C'est aussi de ma faute, j'en conviens.
Il y a peu, on m'a plus ou moins demandé de rapporter le matériel d'éclairage à Périgueux. Je ne sais pas si on me l'a vraiment demandé ou si c'est moi qui l'ai compris ainsi. Toujours est-il que je l'ai ramené. Et puis, on m'a demandé de faire des photos. Pas de pièce pour monter le studio, pas de table. Rien. Je me suis débrouillé dans un bureau déjà bien encombré. J'ai fait une cinquantaine d'images et puis je les ai traitées sommairement. J'ai pu compter le temps passé. J'étais à plus de trois heures de boulot. J'ajoute que j'ai utilisé mon matériel photo. Boîtier, objectifs, flashmètre. Alors, je me suis dit que l'on se foutait trop de ma gueule et qu'il allait falloir que ça cesse. Pour les photos que j'ai pu faire, et même si elles ne sont pas toutes très bonnes, je n'ai pas vraiment pu compter sur le soutien ou l'aide de grand monde et on ne peut pas dire non plus que j'ai croulé sous les félicitations ou les remerciements. C'était devenu un dû. On me refilait des produits pourris, sans chercher à prendre des boîtes ou des objets en bon état de présentation et on me demandait de m'amuser avec tout ça chez moi, avec des délais à respecter. Ça va bien un moment.
Et donc, j'ai commencé à regimber un peu et à dire que, par exemple, je ne voyais pas vraiment de raisons valables pour que j'utilise mon matériel personnel pour l'entreprise. On a tenté de me faire utiliser un appareil que je ne connais pas bien mais qui, de toute façon, n'est pas franchement compatible avec le matériel d'éclairage à notre disposition. Et puis, on m'a fait une petite confidence, un jour. Soit disant que mon employeur envisagerait d'embaucher un photographe. Pour moi, c'est de l'intox et ça m'amuse bien un peu. Mais sous l'amusement, il y a cette impression que la situation est en plein pourrissement et qu'il faut réussir à partir dans les meilleures conditions pour moi.
Alors, j'ai arrêté de me prendre la tête avec l'affaire des dessins que je n'arrive pas à faire. J'espère juste que lorsque j'aurai retrouvé une certaine liberté et un peu de sérénité, je pourrai m'y remettre.

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