Bleus à point

Je rentre du boulot. Je suis presque arrivé. Je viens de redémarrer au feu de Thenon, j'arrive à proximité de la coopérative agricole. Sur l'aire de stationnement de cette coopérative agricole, deux motos. Bleues. Et deux bonshommes. Bleus aussi. Je les regarde en passant. Je ne roule pas vite. J'écoute une émission sur le festival de piano de la Roque d'Anthéron sur France Inter. Je les regarde et eux me regardent les regarder. Je poursuis ma route. En descendant vers Azerat, je donne quelques appels de phare pour prévenir les usagers de la route, mes sœurs et frères, de la présence de la gendarmerie un peu plus haut. Et je regarde dans le rétroviseur et je vois une motocyclette bleue pilotée par un bonhomme en bleu qui arrive à ma hauteur. Il me double, il me regarde. Je le regarde aussi. Il se met devant moi m'invite bientôt à m'arrêter sur un décrochement, vestige de l'ancienne route nationale. Je m'exécute et coupe le moteur.
Le deuxième motocycliste bleu sur sa moto bleue arrive. Le temps qu'il mette sa machine sur la béquille et qu'il en descende, l'autre est déjà à côté de moi à me demander les papiers du véhicule et le permis de conduire. Il n'y croit pas, je le vois bien. Je mets un peu de temps à dénicher le certificat d'assurance. Il insiste pour le permis. Je finis par le lui tendre. Il regarde le débris de papier qui ne tient plus que par miracle et par la présence de morceaux de ruban adhésif. Il fait la moue.
Le collègue arrive avec un appareil.
— Vous avez bu de l'alcool ?
— Non
— Nous allons vérifier. Vous soufflez dans l'appareil d'une manière continue jusqu'à ce que je vous dise d'arrêter.
— D'accord.

Je souffle et lui tends l'appareil. Il consulte l'écran.
— C'est bon.
— Bien. Vous pouvez y aller. Vous ferez changer votre permis. C'est gratuit. Vous pouvez même le faire refaire à la mairie.
— Ah ? Je croyais que c'était à la préfecture ?
— La mairie se chargera des démarches avec la préfecture. On vous donnera une attestation provisoire.
— Ah d'accord. Merci, je vais le faire.
— Promis ?
— Promis.

Ils sont partis devant moi, les deux bonshommes bleus sur leur machine bleue. Je les ai suivis à distance en respectant scrupuleusement les limitations de vitesse. Eux les ont légèrement dépassées. En arrivant à Azerat, je les ai vus qui se garaient en face de l'ancienne épicerie, prêts à veiller au grain et à venir en aide aux usagers de la route, mes sœurs et frères.

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