Il faut le reconnaître. Jeune, j'étais bien bête et bien crédule. J'avais remarqué cet Instamatic Kodak dans la vitrine d'un photographe de Conflans-Sainte-Honorine, sur les quais. Il était présenté dans un ravissant coffret en carton avec des fenêtres en plastique transparent qui permettaient de voir l'appareil. Ce qui m'avait particulièrement attiré, je dois le dire, c'était la mention "camera" apposée sur le coffret. Pour moi, c'était entendu, cet appareil était une caméra qui allait me permettre de faire des films de cinéma.
J'étais bien bête et mon niveau en anglais devait être bien bas. J'ai vite compris mon erreur lorsque j'ai lu le mode d'emploi. Enfin bon, j'avais un appareil photo et je faisais quelques photos. C'était inintéressant au possible, c'était mal cadré, c'était mal exposé, ce n'était net que très rarement. C'était globalement mauvais. J'aurais pu en rester là.
Après quelques errements dont je ne suis pas fier, j'ai eu la chance d'entrer au club photo du collège. Là, j'ai pu utiliser un appareil reflex pour la première fois, un Zenit EM, et m'essayer au tirage de photos en noir et blanc. Ça m'a plu et j'ai acheté mon premier appareil "sérieux", un Zenit E. J'ai raté l'intégralité des premières pellicules. J'aurais pu me décourager mais j'ai continué à vouloir faire des photos.
Ce Zenit m'a accompagné longtemps. A certaines époques, je ne l'utilisais plus beaucoup. Il a fallu attendre que je rencontre une nouvelle copine, au début des années 90, pour que je m'intéresse de nouveau à la photo. Elle avait un Canon, j'avais mon Zenit. J'ai vite délaissé ce dernier. Un nouveau Canon est arrivé chez nous, un T90, puis encore un autre. Des objectifs ont suivi puis est apparu un Leica M4. En quelques années, j'ai énormément progressé.
Et puis j'ai acheté un nouveau boîtier Canon et puis, en 2006, mon premier reflex numérique, un Canon 400D. A lire ces lignes, on peut penser que j'ai une affection particulière pour la marque Canon. En fait, il n'en est rien. Ce qui s'est passé, c'est que j'avais plusieurs objectifs de la marque dont un qui est assez fabuleux et qu'il m'a semblé logique de les conserver.
On peut longtemps discourir sur l'intérêt de la photo numérique, sur ses qualités et ses défauts. Pour moi, le principal intérêt de la photo numérique c'est qu'il m'a redonné goût à la photo. L'appareil précédent, le Canon EOS 5, je ne l'utilisais finalement pas tant que ça. D'abord, il faut le noter, la photo argentique revient cher. Et puis, ce n'est pas si pratique. Sur la fin, je ne faisais pratiquement plus que de la diapositive. J'avais la flemme de sortir le projecteur et je ne savais pas trop que faire de ces diapos qui dormaient au fond de leur boîte.
Avec la photo numérique, j'ai pu concilier deux choses qui m'intéressaient : la photographie et l'informatique avec le logiciel Photoshop. C'était pratique de pouvoir améliorer (ou pas) ses photos à l'écran, de pouvoir les imprimer sur l'imprimante. Ce qui était bien aussi, c'était de pouvoir voir ce que la photo allait pouvoir donner tout de suite après la prise de vue. Si besoin, je pouvais la recommencer en modifiant les réglages. Tout le monde sait tout cela.
Hier, j'étais à Périgueux et je suis entré dans la cathédrale Saint-Front. Si j'avais été en argentique, j'aurais sans doute eu un problème. Si j'avais prévu d'aller faire des photos à l'intérieur de la cathédrale, j'aurais sans doute pensé à acheter une pellicule rapide. Je ne suis pas certain de pouvoir trouver une émulsion sensible de 3200 ISO. J'aurais fait quelques images puis je serais sorti de la cathédrale. J'aurais voulu faire des photos en extérieur et j'aurais trouvé qu'une pellicule moins sensible aurait été mieux adaptée. J'aurais pu changer de bobine. Ça aurait été fastidieux, tout de même.
Là, j'ai changé la sensibilité en appuyant sur une touche et en tournant une molette. C'est pratique et le résultat me convient. Je ne suis absolument pas certain qu'il aurait été envisageable de faire des images du temps de l'argentique, pour dire le fond de ma pensée. Bien sûr, en ayant un pied photo, en jouant sur le temps de pose, j'aurais pu m'en sortir avec une pellicule de 400 ISO. Le résultat aurait pu être meilleur ou du moins aussi bon. Possible.
Quel photographe suis-je ?
Depuis que j'ai commencé la photo avec l'Instamatic Kodak de mon enfance, je n'ai pas changé de statut. Je suis un photographe amateur. En quelques décennies, bien sûr, j'ai appris des rudiments de "l'art photographique". J'ai compris l'influence de l'ouverture du diaphragme, de la vitesse d'obturation, de la sensibilité de la surface sensible. J'ai acquis quelques notions de cadrage et je peux m'amuser à choisir tel ou tel réglage selon le résultat que je cherche à obtenir. Je me suis amélioré. De très mauvais photographe, je suis passé à "photographe amateur pas trop mauvais". Je sais à peu près où j'en suis et je sais qu'il y a pire et meilleur photographe que moi.
Et là, et c'est le sujet de ce billet. Depuis quelques mois, je me demande si je suis en train de régresser ou si je suis devenu trop exigeant. Je regarde mes photos avec un œil très critique et il est bien rare qu'elles me plaisent vraiment. Je vois plein d'autres photos qui sont bien meilleures que les miennes. Parfois, c'est certain, le matériel est en cause. Par exemple, je trouve aujourd'hui que le Canon 60D que j'utilise pèche par le manque de dynamique du capteur qui fait que, dans le cas d'une image contrastée, il est bien difficile de ne pas boucher les noirs ou de ne pas cramer les blancs. Un copain, photographe professionnel, utilise un Nikon D800 et la comparaison est accablante. Le petit Canon ne fait tout simplement pas le poids.
Je n'ai pas l'intention de tout revendre et de passer chez Nikon. Je n'aime pas beaucoup l'ergonomie de cette marque. Remarquez que ça doit être une question d'habitude. Ceci étant, l'investissement serait tellement important que j'écarte cette option. Alors, je pourrais essayer de trouver un nouveau boîtier. Sur certains forum, on tente de m'expliquer combien on fait de meilleures images avec un "grand capteur"[1]. En restant chez Canon et sans chercher à prendre le très haut de gamme, il me faudrait tout de même dépenser pas loin de 2000 euros. Après, il faudrait que je me décide à conserver mon boîtier actuel en second boîtier ou à le revendre. Dans le cas d'une revente, je devrais également revendre quelques objectifs qui ne sont pas compatibles avec les capteurs grand format. Et donc, il faudrait aussi que j'achète de nouveaux objectifs.
Mais si le problème ne vient pas du matériel ? Après tout, je vois aussi des photos faites avec des boîtiers équivalents à celui que j'utilise et qui sont nettement meilleures que les miennes. Donc, je peux en déduire que je suis mauvais ou que je suis devenu trop exigeant et qu'il me faut m'appliquer plus et apprendre encore.
Ce qui est amusant, c'est que en ce moment je me pose exactement les mêmes questions en ce qui concerne le dessin. Je me sens incapable de faire un dessin valable. Je griffonne et je jette. Ce n'est pas la première fois que cela arrive. C'est même assez cyclique. Je sais qu'arrivera un moment où il y aura un déclic. Un jour ou l'autre, je commencerai un dessin qui m'amusera et qui me donnera l'envie de le continuer, qui me donnera de nouvelles idées. Il faut juste être patient. Pour le dessin, je ne me pose pas tout à fait les mêmes questions que pour la photo, ceci dit. Là, je sais que je ne suis pas le meilleur dessinateur du monde, je sais qu'il y a des dessins que je suis simplement incapable de réaliser. Je suis cantonné à mon petit domaine, à mon petit style. Ça évolue doucement, année après année, je vois des changements. Ça ne m'angoisse pas vraiment. Je suis agacé de connaître ces périodes durant lesquelles je n'ai pas le goût au dessin mais, franchement, j'ai aussi conscience que c'est passager.
Et donc, je suis passé par Périgueux et j'ai visité rapidement la cathédrale Saint-Front. J'en ai ramené ces trois photos.
Note
[1] Grand capteur ou, en anglais, Full Frame. Capteur de 24x36 mm. Mon boîtier est muni d'un capteur APS-C.
1 De Liaan - 14/08/2014, 14:17
À voir vos orgues me fait désirer de relire "L'orgue du Diable", bande dessinée de Roger Leloup avec Yoko Tsuno.
2 De arielle - 14/08/2014, 18:14
Amateur ? Pro ? Pour moi la différence c'est que le premier n'en fait pas son métier, le deuxième oui. Ce qui ne présage en rien du talent de l'un ou de l'autre.
De mon temps, comme dirait Liaan, pour en faire son métier et s'installer en boutique ou en studio, il fallait s'inscrire au registre des métiers et pour ce faire avoir le CAP qui va bien. J'ai un pote qui l'a passé ce CAP à un âge "avancé" autant dire qu'il a cartonné. Le statut pro d'artiste lui a toujours plus ou moins existé, je suppose.
Le matériel ? hum c'est un peu comme l'histoire du moine et de l'habit non ? Vous êtes sans doute devenu plus exigeant avec vous-même.
3 De arielle - 14/08/2014, 18:16
Ah oui, je l'ai connu ce Kodak :-)
4 De Liaan - 14/08/2014, 20:37
En parlant d'incompétence, enfin plutôt de fautes de frappe (à ne pas confondre avec les "fautes de petites frappes"), je reviens sur le propos irresponsable que j'avais inscrit sous le billet "rien de neuf" histoire de remplir la case "commentaires", et comme je ne vois rien venir, je vous redonne le texte :
C I T A T I O N
Histoire de faire un beau commentaire sur ce billet qui n'a rien de bien passionnant, ma foi, je profite de l'espace ainsi libre pour exprimer un point de vue sur une constatation que je me suis faite lors d'une rare période de désœuvrement, lorsque je n'avais pas grand'chose à écrire à propos d'un billet dont je ne trouvais pas la pertinence d'un propos qui aurait pu surprendre ou amuser le lecteur des dits commentaires ou propos irresponsables, bref, je regardais sur la gauche de l'écran, dans la liste des "étiquettes" classées dans un ordre parfaitement alphabétique, et soudain, je surpris un mot que je ne connaissais pas vraiment dans l'état actuel de mes connaissances, mot exactement placé entre le mot "bon goût" et le mot "bricolage".
Il s'agit du mot "bougogne".
Je me suis dit que voici un terme surprenant, serait-il dérivé de "bougonner" ou "bougonnant" ? Connaissant quelque peu le rédacteur de ce blog, je n'en m'étonne guère. Mais après réflexion, j'en déduis que non, ce nom ne vient pas de "bougon", un moment j'ai imaginé que c'était le nom d'un animal fabuleux, le ou la bougogne, croisement entre le bouquetin et la cigogne ? Non, cet être étrange aurait dû choisir entre l'état de mammifère ou celui d'oiseau, avoir une couverture en poils, ou celle de plume, ce n'était pas assez clair dans mon esprit. J'ai ensuite pensé que ce mot était incorrectement écrit, ce qui laisse augurer d'une explication aussi scientifique que rationnelle. J'en ai donc conclu assez rapidement qu'il manquait une lettre "r" entre le "bou" et le "gogne", ce qui nous amène logiquement le nom "Bourgogne" qui, grâce à une particule, ennoblit tout de suite l'escargot (De Bourgogne), comme la particule De avec Garenne, ennoblit le lapin.
J'espère ne pas avoir été trop long, comme le dirait, soit Achille Talon, soit le Maire de Champignac.
F I N D E C I T A T I O N
Bon d'accord, cela n'a vraiment rien à voir avec le sujet du jour.
Désolé.
5 De Titi - 14/08/2014, 20:41
Tout à fait Arielle :)
Ce Kodak, je l'ai encore :)
Des amateurs photographes devenus pro, j'en ai connus, dont un particulièrement génial qui a abandonné la profession pour (parce qu'il devait plus démarcher que photographier) finir ses études en chimie et pour malheureusement tomber dans le monde du CNRS.
Un autre, panophotographe amateur, qui souhaite rester dans son métier de prof de maths, publie ici et là comme dans le National Geographic... Rien que ça :)
Tout ça pour dire que la photo en matière gagne pain, ce n'est pas le bon tuyau :(
6 De Liaan - 14/08/2014, 21:42
Saperlotte !
Bourgogne est revenu, avec un B majuscule !
Merci !
7 De arielle - 14/08/2014, 22:14
@Titi : Ah oui merdum, le mien était un 50 et non un 110 ! Je perd la tête :-)
Le métier a beaucoup changé, mais on doit bien pouvoir encore en vivre non avec quelques sacrifices comme le catalogue de la redoute ( un autre de mes potes)? Le compagnon de ma nièce a évolué dans sa démarche mais en tant que photographe de mode il en vivait et ce il n'y a pas si longtemps que ça.Bref, c'est un métier a multiple facettes.
@Liaan : Zut, ce n'était donc pas le féminin de bougon !
8 De fifi - 14/08/2014, 23:19
Il y a des périodes où rien ne va, mais ça, c'est relatif, il faut remettre les choses à leur place ... il y aura toujours de perpétuels insatisfaits. Après avoir brûlé une bougie et fait un tour dans une super-bondieuserie, les choses vont pouvoir s'arranger pour vous ( vos photos sont magnifiques ) je ne vais quand même pas les taper en lettres capitales pour vous les gueuler haut et fort. Pareil pour vos dessins, moi, je les aime beaucoup, ils me font très souvent sourire et quelques fois rire, et puis, il n'y a pas que cela : votre dévouement quotidien pour ce blog, je comprends ce ras le bol, il faut du changement; donc pas de permis PL, ni bateau, j'ai pensé à vous il y a peu ...et l' ULM, y avez vous songé, j'avais appris qu'il était plus aisé de passer ce permis que le PL, et que une fois acquis, c'était à vie (mais ça, c'était il y a quelques années ) imaginez toutes ces belles photos prises du ciel !
9 De Titi - 14/08/2014, 23:28
Je hais le mélange passion-travail !
Ça devient un dégout comme des plaques (que tu aimes prendre en photo) :)
10 De Liaan - 15/08/2014, 09:21
@arielle : Un Kodak 50 ?
Je visualise le format 110 (la "cassette" contenant du film d'environ 9/10 mm de large), mais du "50" ?
C'est peut-être un vélomoteur, le Kodak 50...
11 De Lars van Tik - 15/08/2014, 09:37
@Liaan : Kodak 50
12 De Liaan - 15/08/2014, 10:59
@Lars van Tik : D'accord.
Mais c'est de l'instamatic 126.
Lorsque Michel emploie 110, c'est pour indiquer le format du film, alors j'ai essayé d'imaginer un format 50 qui correspondrait grosso-modo à un film d'environ 5/6 mm (qui a peut-être existé).
Je me souviens de ces appareils photo/stylo qui devaient employer du 8 ou 9 mm négatif, vendu par ces maisons de correspondance qui faisaient dans les "gadgets", il y a fort longtemps maintenant, c'était avant le format 110 qui fit fureur depuis 1970, en même temps que les cassettes audio Philips... Tout cela a été balayé par l'informatique et son alter-ego, le numérique.
C'était l'époque où Jacques Dutronc chantait "mini-mini, tout est mini dans notre vie".
13 De Liaan - 15/08/2014, 11:06
@Lars van Tik : Merci pour le lien vers ce site qui me parait très intéressant, moi qui aime bien et les vieux machins, et la photo argentique.
14 De Titi - 16/08/2014, 14:30
@Liaan : Vous auriez cliqué sur mon lien vous auriez compris plus vite :)
15 De arielle - 16/08/2014, 17:23
@Titi : A ce propos, il faudrait que je les trie et que j'en mette sur mon blog ;-) Je ne sais plus si j'en ai une de Terrasson...
16 De Liaan - 16/08/2014, 17:34
@Titi : Je m'étais arrêté à la première photo non centrée, j'avais pas regardé en dessous !
Je manque pour une fois de curiosité.
17 De Titi - 16/08/2014, 18:47
@Liaan : Pour compléter l'histoire de ce 92, je l'avais personnalisé : pour moi, il manquait un repère dans le viseur et j'avais eu l'excellente idée de graver une croix à son centre (enfin, pas vraiment en fait) avec une aiguille de couturière empruntée à ma maman...
À 10 ans, on a le droit d'être con ;)