Il existe plusieurs façons d'aller au restaurant. On peut y aller par nécessité. On est en déplacement, on veut se nourrir, on choisit ce qui semble le moins mal. On se contente de ce qui semble être le meilleur rapport qualité-prix en fonction de ses attentes et de ses moyens. On ne recherche pas la gastronomie ou le plaisir, il s'agit juste d'une question de survie.
On peut chercher un restaurant selon ses envies du moment. On ira dans une pizzeria parce que l'envie de pizza est présente, on choisira tel autre restaurant parce que l'on sait que l'on y mangera ce que l'on cherche. On réservera une table dans un bel établissement pour telle ou telle raison.
Et puis, on peut aussi partir à la découverte d'une cuisine parce que l'on en a entendu parler, parce que on nous l'a conseillée, parce que l'on est curieux de constater par soi-même.
En Périgord, on parle beaucoup de gastronomie et de cuisine. On peut avoir le sentiment, parfois, que la cuisine périgourdine est figée autour des sempiternels foies gras, confits, magrets, pommes de terre sarladaises, soupes paysannes et autres grands classiques. Et pourtant, il existe au moins un lieu où l'on se laisse surprendre par l'ingéniosité et la culture du cuisinier. Il s'agit de cette auberge de Layotte. Régis Cagnadre cuisine à l'émotion ce qu'il cultive, déniche, cueille. Cela fait dix-huit ans qu'il tient son auberge située dans les bois. Vraiment dans les bois. Ce n'est pas une vue de l'esprit. Pour s'y rendre, il faut accepter de s'enfoncer sous les frondaisons en empruntant un chemin et laisser sa voiture au parking pour descendre par un autre chemin jusqu'au restaurant. Le lieux est insolite et puissamment décoré d'un bric-à-brac échappé de l'officine d'un brocanteur fou. L'amoncellement d'objets bizarres et incongrus montre que le maître des lieux doit aimer chiner. Ce goût immodéré pour la brocante est présent jusqu'aux tables dressées d'assiettes dépareillées, de soupières anciennes, de cafetières de tôle émaillée. Sous l'appentis qui sert de salle d'été, de vieux outils sont pendus et accrochés. Tout cela crée une ambiance joyeuse.
L'accueil est des plus sympathique et le ton est donné dès l'arrivée. Ici, place à la bonne humeur, au bon humour, à la bonne ambiance, à la décontraction. On vous installe à une table et on vous apporte aussitôt une bonbonne de trois litres d'apéritif. Libre à vous de vous servir comme vous l'entendez. Ce jour, il s'agissait d'un apéritif à la violette. Rien de bien violent ! Un savant mélange de fleurs de violette, de vin rosé et de sucre. Un parfum très subtil, à boire bien frais. Une grande corbeille de tranches de pain dur accompagnées d'une tête d'ail arrive avec une pleine soupière de potage à l'ortie et aux petits légumes, petits pois, chou fleur, carottes, haricots verts. Le message est clair. Vous êtes invités, et vivement invité, même, à frotter les tranches de pain avec force gousses d'ail et d'en tapisser la généreuse assiette creuse avant de verser quelques belles louches de potage par dessus. La soupe est délicieuse, relevée juste comme il le faut. Du coup, vous vous resservez.
C'est d'ailleurs la spécificité de l'auberge. Ici, vous mangez à volonté. Ne vous inquiétez pas, c'est largement calculé et il n'y a aucun risque pour que vous sortiez d'ici avec la faim au ventre. Il est assez improbable que vous ayez à demander plus mais si le cas se présentait, vous seriez entendu et servi avec le sourire.
Sur la table, une grosse bouteille d'eau fraîche et un magnum de vin rouge. On ne lésine pas, je vous l'ai dit. On passe à une salade de fleurs délicieuse avant d'attaquer la terrine de sanglier et le jambon fumé maison.
Vous avez encore faim ? Ça tombe bien parce que c'est loin d'être terminé. Alors à présent, on passe aux plats proprement dits. On apporte des pommes de terre à l'échirlette et du canard qu'accompagnent d'excellentes giroles fraîches, cueillies dans les bois alentour. Attendez, ne vous goinfrez pas trop, le mouton au curry arrive ! Le vin coule dans le gosier. Pas mauvais, ce vin de table d'origine pas trop définie. Sans doute, peut-être, un vin de Bergerac sans prétention. Là, on commence à ne plus avoir vraiment la faim tenaillée au ventre. On est entré dans le monde de la gourmandise pour ne pas dire de la goinfrerie.
Ah ! Les fromages ! Le plateau est conséquent. Vieille mimolette, Salers, vieux Saint-Nectaire, bleu d'Auvergne. Toujours à volonté, bien entendu. Là, il faut penser à laisser un peu de place pour le dessert. Un plateau arrive sur la table. Pas un petit plateau. Un grand plateau avec deux gâteaux. Un gâteau aux noix, un gâteau à la rhubarbe. Comme on ne sait que choisir, on prend des deux. Et on en reprend parce que c'est bon. Sur un autre plateau, cinq bols de sirop pour arroser les gâteaux. Sirops de rose, de bourgeons de sapin, de courge... C'est délicieux. Vraiment.
Bien. Là, on ne doit plus avoir faim du tout. Juste un peu de place pour le café et pour le digestif maison. Liqueur au piment d'Espelette et à la cannelle, eau de vie de prune, d'autres produits encore. Vous déclarez forfait. Votre organisme pense sérieusement à passer à une longue digestion et il n'est plus question d'avaler quoi que ce soit. Ouf.
L'auberge de F Layotte — 24620 Tursac — 05 53 06 95 91
www.aubergelayotte.com
coordonnées GPS : N 44° 58' 38""-E 1° 0' 53"
Compter un peu moins de 40 euros par personne tout de même.
Uniquement sur réservation !
1 De Dnieprider - 29/06/2014, 13:37
Génial ! Je note ça dans ma liste des trucs à faire !
Et malgré toute cette richesse dans la culture culinaire française, on trouvera toujours des handicapés de la papille gustative (et du bulbe aussi un peu) pour vanter leur bonheur de manger chez macdo ou pour se réjouir de l'ouverture d'un KFC à Angoulême (actu de la semaine)...
2 De michel - 29/06/2014, 13:50
@Dnieprider : Il en faut pour tous les goûts et toutes les bourses. Je ne vais pas au restaurant du clown, j'y suis déjà allé, un peu contraint et forcé. Je n'aime pas mais ne peux pas dire non plus que c'est parfaitement dégueulasse. Je ne suis jamais allé manger du poulet du Kentucky. Ça ne me dit rien d'essayer. Ceci dit, je peux aussi me satisfaire d'établissements bien modestes et de plats très simples. En matière générale, je ne suis pas difficile. Juste que je n'aime pas que l'on se foute de ma gueule. Un restaurant simple qui pratique des tarifs convenables et une cuisine modeste mais de bon goût, ça me va très bien. Un restaurant qui se la pète alors que le cuisinier sait à peine faire ce qu'il prétend proposer sur sa carte et qui assassine le client avec une note de nature à couper la digestion, ça me gonfle.
Je ne parlerai même pas des pièges à touristes que l'on trouve un peu partout, des prétendus confits de canard servis avec des prétendues pommes de terre sarladaises qui sont des injures à la cuisine périgourdine.
Il en est des restaurants comme de bien d'autres commerces. Il y a ceux qui promettent une expérience, un vrai partage, une découverte, une approche intéressante de la cuisine et ceux qui ne servent qu'à générer du chiffre d'affaire.
3 De Sax/Cat - 29/06/2014, 15:04
Eh beh à ce prix là (même si ça les vaut sûrement), il faut espérer qu'on n'a pas faim pendant 2 jours :-)
4 De Juliet - 29/06/2014, 19:20
Ah, l'auberge de Layotte ! Le genre d'endroit qu'on a envie de faire découvrir mais qu'on garderait bien aussi un peu pour soi. Tu as tout a fait rendu l'ambiance et pour ce qui est des plats, ce ne sont jamais les mêmes. J'y suis allée 2 fois. La première fois j'étais enceinte. La mauvaise idée ! Les couleurs, les odeurs et surtout les asticots dans le fromage et la vipère dans la gnôle m'ont été fatales ! La seconde fois j'ai préféré. c'était le début de l'hiver, il y avait un feu d'enfer dans la cheminée et d'abondantes fougères sur la table. Un endroit à recommander sans aucun doutes aux amateurs de cuisine créative et généreuse. PS : Michel, tu as écrit "l'auberge de Fayotte" dans l'adresse. Un message quelconque ? On t'a payé pour ta critique gastronomique ou quoi ?
5 De michel - 29/06/2014, 19:35
@Sax/Cat : Non mais c'est plus proche des 30 et quelques que des 40 euros.
Ça peut paraître un peu cher mais ça ne l'est pas vraiment à mon avis.
@Juliet : Ooops. Layotte, pas Fayotte. Ça ne s'arrange pas.
C'est vrai ce que vous dites. A la fois, on a envie de faire connaître et de garder secret ce lieu.
Nous n'avons pas eu droit à la vipère, par contre.
6 De Juliet - 29/06/2014, 20:55
Le choix de fromage qui t'a été présenté m'a étonné. Quand j'y suis allée il n'y avait qu'un modèle mais à divers degrés de "murissement"... d'où les bestioles qui s'agitaient dans le plus vieux spécimen !
7 De shanti - 29/06/2014, 21:01
Pareil, j'y suis allée deux fois.
Le cadre, la sympathie, la créativité, la générosité font que l'on n'oublie pas cette auberge du fond des bois.
La dernière fois que je m'y suis rendue j'avais pris "des croûtes de miel" je ne sais pas si ça s'appelle comme ça. C'était du miel servi dans les alvéoles. Un vrai délice, je me suis pourlécher telle une ourse gourmande.
8 De michel - 29/06/2014, 21:06
@Juliet : Pour tout vous dire, il y avait même du camembert.
@shanti : En fait, tout le monde connaissait sauf moi, quoi ?
9 De shanti - 30/06/2014, 16:15
@michel :
Eh bé, maintenant c'est fait !
10 De Dnieprider - 30/06/2014, 21:58
@michel : On est bien d'accord, moi même, j'apprécie quelquefois un sandwich gras dans un camion un peu douteux qui sent très fort la frite. Je ne remet pas en cause la qualité gustative de ces grandes enseignes (bien que...) mais le formatage de l'alimentation. C'est un peu la pensée unique de la restauration. On mange la même chose de Dunkerque à Nice alors qu'a coté de ça on peu trouver des perles de la cuisine pour le même prix si on se donne la peine de chercher un peu et de prendre un minimum de risque.