Satie ne fait pas le poids

C'est charmant, Azerat, lorsqu'il fait beau comme aujourd'hui. Vraiment un beau petit village périgourdin. Ce matin, je me suis laissé aller à faire quelques photos. A force de trop voir les choses, on ne les voit plus du tout.

Azerat, j'y habite depuis déjà sept ans. C'est un village comme il y en a tant d'autres en Dordogne. Une église, une mairie, une école, quelques commerces, des maisons, de la nature partout autour. Lorsque l'on ne prend pas la peine de s'arrêter à Azerat et que l'on ne fait que traverser la commune par l'ancienne route nationale 89, on peut légitimement penser qu'il n'y a aucune raison valable de s'y arrêter. Hormis une crevaison soudaine ou une envie intempestive de s'arrêter au café pour se désaltérer. Azerat, c'est un point de passage obligé pour qui veut se rendre de Lyon à Bordeaux jusqu'à il y a quelques années, jusqu'à la mise en service de l'autoroute A89.
Autrefois, à Azerat, il y avait une gare. Enfin non. Ce serait mentir. Autrefois, à Azerat, le train s'arrêtait. C'est plus juste. De gare, il n'y en a jamais eu. Ou alors, il y a bien longtemps, avant l'invention de la machine à vapeur. Prétendre qu'il y ait pu avoir une gare à Azerat, c'est dire qu'il y a eu un grand port de pêche et son cortège de marins beuglants qui faisaient la fortune des cafés et des femmes de petite vertu. Il n'y a jamais eu de port à Azerat, jamais de marins, jamais de prostitués. Ou alors, je ne les ai pas trouvées.
Azerat, il faut en convenir, ce n'est pas le plus beaux des villages de Dordogne. Ce n'est sans doute pas le plus moche non plus. Ce qui fout tout par terre, c'est la route qui traverse le bourg. On peut penser que c'est un village mort, abandonné. Des deux côtés, on trouve un bon nombre d'habitations ou de bâtiments fermés, vides, en ruine ou en passe de le devenir. Ça n'incite pas à s'arrêter.
Tout cela m'importe peu. Je n'ai pas réellement choisi d'habiter à Azerat. Ce sont les circonstances qui ont fait que je cherchais à déménager, que je cherchais une maison à louer ou à acheter, qu'un copain m'a parlé de cette maison à vendre, pas très cher. Depuis, je vis ici. C'est tout. Je n'aime pas ma maison, je n'aime pas le village, je ne connais pas bien mes concitoyens avec qui j'entretiens des rapports très cordiaux et prudents. De cette maison que j'habite, je me suis habitué sans grande difficulté. Je lui reproche d'être fraîche en hiver mais je la remercie de l'être encore en plein été. Il ne me manque finalement qu'un peu de terrain où je pourrais bricoler et entasser des saloperies.

mairie de Azerat

Et tout cela pour en arriver où ? Ah oui ! J'avais perdu le fil. Je vous explique. Alors, aujourd'hui, il fait beau sur Azerat. Ce matin, je suis allé chercher le pain à Peyrignac et, au retour, je me suis arrêté pour faire quelques photos. Celle du dessus, là, c'est l'arrière du bâtiment qui héberge la mairie et l'école. Bien. Il fait beau et alors je laisse la porte d'entrée ouverte, histoire d'aérer un peu. En début d'après-midi, puisque je me sentais d'humeur badine, je me suis préparé une grosse théière de Earl Grey et j'ai mis un CD de Erik Satie. J'ai ensuite pris un crayon et une feuille de papier et je me suis dit que c'était vraiment une chouette journée pour dessiner en buvant du thé et en écoutant ce merveilleux Erik Satie. J'ai commencé mon dessin, et tout d'un coup, voilà le voisin qui se décide à démarrer sa moto d'enduro, une 250 KTM. Ça m'a un peu gâché mon enthousiasme, ça. La preuve est faite que face à une KTM, Satie ne fait pas le poids. C'est bien triste.

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