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lundi 8 septembre 2014

La Baie Sanglante

"C'est de la bouillie, tout ça ! C'était pas mauvais, c'était très mauvais, voilà !". Dans La Grande Vadrouille, le personnage de Stanislas Lefort, chef d'orchestre, interprété par Louis de Funès dit tout ce qu'il y a à dire du film dont je vais vous entretenir aujourd'hui. Parce que je n'ai pas le talent de Georges et André Tabet, les dialoguistes de cet excellent film de Gérard Oury, je me serais sans doute contenté d'un vibrant : "C'est de la merde".

Faut-il avoir de la purée de navet dans la boîte crânienne pour trouver quelque intérêt au giallo ? Le giallo c'est un genre cinématographique purement italien que l'on dit se trouver quelque part entre les genres policier, érotique et fantastique voire épouvante. Les deux principaux représentants du genre sont Dario Argento et Mario Bava. "Reazione a catena" sous son titre original, "La baie sanglante" pour son titre français, est un film de ce genre et il est réalisé par Mario Bava.
Pour moi, pour ce que j'en ai vu, ce genre cinématographique est l'un des plus mauvais qui soit. Je le déteste vraiment. D'une manière générale, je n'ai pas une grande fascination pour le cinéma italien et j'avoue même ne pas particulièrement aimer le cinéma de Fellini ou du moins son œuvre dans son entier. Mais là, le giallo, pour moi, c'est presque la représentation de ce que l'on peut faire de pire en matière de cinéma. Ceci étant dit, passons à la critique de ce film que j'ai regardé hier soir.

Pour dire que ça commence mal, nous voyons une vieille dame en fauteuil roulant se faire assassiner. Un étranger, un personnage caché du spectateur, lui passe une corde autour du cou et envoie le fauteuil à l'autre bout de la pièce. La vieille dame bascule en avant et meurt en grimaçant beaucoup et en prenant son temps. Elle a les doigts qui touchent presque le sol. Gros plan sur le fauteuil roulant renversé et sur une roue qui tourne en laissant échapper le bruit entêtant d'une roue libre de vélo. Attardons-nous sur ce début qui m'a déjà donné l'envie d'arrêter là la supplice supposé.
Alors voilà. En quelques minutes, le pire est déjà là. La réalisation est mauvaise, le jeu d'acteur de la vieille dame est déplorable, le montage est immonde, la musique plus que détestable. Le scénario, lui, est tellement risible qu'il en est pathétique. Nous avons donc une vieille dame qui, visiblement, n'a plus l'usage de ses jambes puisqu'elle se déplace en fauteuil roulant. On veut nous faire croire que l'on pourra donner à penser qu'elle se sera suicidée. Le problème est qu'elle se pend. Si, effectivement, elle est pendue bas et que, comme je l'ai dit, les doigts frôlent le plancher, la corde, elle, est bien fixée tout en haut de la pièce au plafond bien haut. Comment cette brave dame est-elle allée placer la corde là-haut ? Mystère. Autre mystère qui n'a pas manqué de m'interpeler quelque peu, plus loin dans le film nous retrouvons cette brave dame toujours pendue à son nœud coulant. Non seulement le corps bouge-t-il encore comme si la corde n'avait pas terminé de se tendre mais les doigts de la pauvre pendue sont-ils désormais à bonne hauteur par rapport au sol. Mystère, mystère !
On veut nous faire croire que l'on pourra croire à un suicide. La dame passe la corde à son cou et se fait basculer en avant de son fauteuil roulant. Le fauteuil roulant part en arrière, se renverse et on s'attarde pesamment sur une des roues qui tourne. Si l'on passe sur la durée de cette scène bien trop longue, on ne peut que pouffer de rire à l'écoute du bruit qui accompagne cette roue qui tourne. C'est du beau foutage de gueule, reconnaissons-le. Une roue de fauteuil roulant n'est pas une roue de vélo. Il n'y a pas de roue libre, pas de dérailleur, rien qui fasse un bruit quelconque. Il y a une roue avec un moyeu qui tourne autour d'un axe. Catastrophique.
Les effets de mise en scène sont pitoyables. On comprend que l'opérateur a saisi l'utilité de la bague de mise au point de l'objectif et du profit qu'il en peut tirer. Il n'arrête pas de jouer avec ça. Un coup c'est net, je tourne, c'est flou ! C'est vachement chouette. Et je peux le faire dans l'autre sens ! C'est flou ? Attendez un peu. Je tourne, ça devient net ! C'est beau, la technique. Le pire, c'est tout de même qu'il y ait des personnes que ça ne fait pas vomir, ce genre de cinéma.

Chef d'œuvre de Mario Bava.
Il y a des "acteurs". Des mâles et des femelles. Parce qu'ils ne semblent pas vraiment dirigés, ils font n'importe quoi n'importe comment. Une fois monté dans sa version finale, prêt à partir à la conquête du public et des récompenses de toutes sortes, le film dure 84 minutes. Ce n'est pas très long. Bien trop long pour le spectateur, d'accord, mais pas très long pour un film de cinéma, dans l'absolu. 84 minutes de supplice. On comprend vite que le coupable, Mario Bava, a eu un problème avec son scénario. Si, au moment de l'écriture, il s'était arrêté à raconter l'histoire, il aurait tout au plus donné naissance à un mauvais petit court métrage. Il voulait un long métrage et il a délayé le peu d'idées qui lui traversaient l'esprit. Il fait durer les plans, il en ajoute qui n'ont aucun intérêt. Un groupe de jeunes apparaissent dans le film. Deux jeunes hommes, deux jeunes femmes. Ils roulent dans un buggy, ils s'amusent follement. Les filles sont debout dans l'automobile découverte et arrachent des branches de mimosa en roulant. Ils arrivent à cette baie qui se révèle sanglante. Ils ne le savent pas, les pauvres !
Alors, comme ils sont jeunes et inconscients, il rient, ils jouent à se séduire, ils voient une sorte de boîte de nuit abandonnée et, comme ils ont un magnétophone à cassettes avec eux, ils y vont et dansent sur la piste de danse délabrée. Ils s'éclatent vraiment ! Là, Mario Bava a dû demander à ses acteurs de se laisser aller et de s'amuser sans retenue. La caméra tourne et tourne et tourne encore. La pellicule ne devait pas être chère. Sur une musique pourrie, les acteurs font ce qu'ils peuvent mais ils peuvent peu. Les filles tentent des postures lascives et excitantes mais je présume que le spectateur (mâle parce que ce genre cinématographique semble plus s'adresser aux hommes) doit bailler comme je l'ai fait. On s'ennuie ferme.
Là, allez savoir pourquoi, on quitte la boîte de nuit abandonnée pour aller à l'assaut d'une villa proche dans laquelle on entre par effraction. Je vous ai dit qu'il y a deux filles et deux garçons. Le scénariste a eu une drôle d'idée qui vaut ce qu'elle vaut. Je n'ai pas bien compris ce qu'il cherche à nous faire comprendre, à vrai dire. Donc, nos quatre jeunes partent vers la villa et l'une des deux filles explique qu'elle préfère aller se baigner plutôt que d'entrer dans la maison. Alors, nous avons un garçon qui semble avoir bien avancé dans ses travaux d'approches avec l'une des filles et l'autre garçon qui se retrouve un peu comme un con pas dégourdi. Plutôt que d'aller frétiller du gardon dans les eaux sales de la baie avec la jolie fille, non, il préfère suivre le couple qui semble pressé de copuler hardiment. Il va jusqu'à, pour s'occuper, faire une petite flambée dans la cheminée. Ben tiens ! Un petit feu en plein été, il n'y a rien de mieux. Ceci dit, il semble tout de même s'emmerder ferme, le jeune pas dégourdi à la chevelure incroyable. Il faudrait pouvoir porter plainte contre les coiffeurs blagueurs.
Pour le moment, alors que j'en baille à me décrocher la mâchoire et que je lance des coups d'œil désespérés à l'horloge pour savoir quand le supplice se terminera enfin, il ne s'est pas passé grand chose d'intéressant dans ce film. Je vous passe les scènes les plus palpitantes comme celle où l'on a l'un des personnages importants (en quoi au juste) s'amuse avec les pieuvres qu'il est censé avoir pêché dans la baie. Je suppose que le réalisateur s'est dit que les pieuvres allaient apporter un peu de malaise chez le spectateur. Il doit y avoir du symbolique.
Il y a le mari de la vieille dame, aussi, qui a été assassiné. J'avais oublié de vous le dire. On le retrouve dans l'eau de la baie. C'est la demoiselle qui se baigne qui retrouve le corps. Alors, elle crie un peu. De peur et de surprise. Et c'est tellement crédible, comme terreur, que l'on en baille encore un coup. Des mauvais acteurs à ce point, à mon avis, ça mérite les félicitations du jury. Comme la direction d'acteurs a été oubliée dans l'organigramme de la production de ce produit cinématographique, je me suis demandé si elle n'avait pas été donnée aux pieuvres dont je vous parlais. Ça pourrait expliquer un peu. Pas excuser mais juste expliquer. C'est mauvais comme tout !
L'histoire, j'ai du mal à la raconter. Elle ne tient pas debout. Disons qu'il s'agit de plusieurs personnes différentes qui cherchent à prendre possession des propriétés de la vieille dame (qui est une comtesse, j'avais oublié de le spécifier). Alors, on tue la comtesse et on hérite. Du moins pour les personnes de la famille. Pour les autres, c'est plus compliqué. On tue tout le monde et on rachète à bas prix à un héritier caché, enfant illégitime de la comtesse. Comme par hasard, cet enfant c'est le pêcheur de pieuvres qui vit pauvrement dans une méchante baraque en bois vermoulue et bien humble. S'il reste seul héritier, il revend pour pas grand chose toute la propriété à un couple désireux de devenir propriétaire de la baie et de la boîte de nuit et de la station service. Fichtre ! C'est que là, on se dit qu'il a fallu beaucoup de drogue pour écrire une histoire pareille ! Ça ne tient absolument pas la route.
Dans le cahier des charges du genre giallo, il faut que, en plus des aspects horrifique et policier, il y ait place pour l'érotisme voire le pornographique. Dans ce film, nous avons une scène croquignolesque à souhait. Le couple de jeunes gens est en train de baiser dans la chambre de la villa. Position du missionnaire tout ce qu'il y a de plus officiel. Lui dessus, elle dessous qui ahane. Bon. Et là, paf, une lance fait son apparition dans le champ de la caméra. Mais que va-t-il donc se passer ? Le suspense est à son comble ! Et oui, au moment même où les jeunes dépravés atteignent l'orgasme, ils se font embrocher d'un coup d'un seul dans un beau concert de "ha !" et de "ho !" extatiques. C'est beau !
Comme on se fout de l'histoire et que l'on est bien incapable de la comprendre, on balance des personnages. Il y a ce couple qui apparaît à l'improviste. Il est à côté d'une caravane dans laquelle se trouvent deux enfants. Ils ont une voiture, une Mercédès. On comprend un peu que la femme est l'héritière officielle de la comtesse et qu'elle veut se débarrasser de son demi-frère ou quelque chose du genre. Il y a les enfants, justement, qui auront un rôle important à la fin du film. Ce qui est fantastique, dans tout ce fatras indigeste, c'est de voir à quel point on peut faire du mauvais cinéma. Les acteurs sont mauvais, le réalisateur est mauvais, le scénariste est mauvais. Tout est mauvais. Ce n'est même pas de la série B ou de la série Z. Ça ne devrait pas, ça n'aurait pas dû, exister.
Ce que je ne parviendrais jamais à comprendre, c'est qu'il puisse y avoir des amateurs pour ce genre de cinéma. J'admets les mauvais films d'horreur au scénario simpliste. Je veux bien les comédies indigentes à l'humour lourd. Je comprends les petites productions qui n'ont pas les moyens de faire bien mais je n'admets pas que l'on puisse crier au génie pour un genre cinématographique si catastrophique. Il faudrait que l'on m'explique ce qu'il y a d'intéressant dans le "giallo". C'était subversif ? C'est ça ? Je préfère, pour dire un film à petit budget, revoir "la nuit des morts vivants" de Romero. Là, oui, excusez-moi, mais c'est autre chose.

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