Tentative de feuilleton collaboratif du mardi (9)

Quelques euros en poche mais chassé de son appartement, Roland erre dans la ville. Que va-t-il bien pouvoir lui arriver maintenant ?

Retrouver Gérard et l'avertir du danger potentiel était important. Prouver la part active que pouvait jouer Colette dans les disparitions à répétition de ses époux successifs l'était également mais il était encore plus impératif de mettre les documents pouvant mener au Nautilus à l'abri !
Il sortit de l'établissement où il avait trouvé asile le temps d'un café et se retrouva bien interdit, perdu au beau milieu du trottoir et de la foule qui, à cette heure, se pressait pour quelque obscure raison. Les précieux documents coincés sous le bras, Roland ne savait que faire pour les mettre en sécurité. Il pensa à les placer à la consigne de la gare brièvement. Il ne pouvait pas retourner chez lui tout de suite et il ne connaissait personne en qui il pouvait avoir confiance. Il songea les envoyer à sa lointaine cousine bretonne qu'il voyait de temps en temps, au rythme incertain des enterrements. Elle vivait seule au fin fond du Morbihan avec son bon dieu pour unique compagnie. Elle ne l'avait jamais rejeté, acceptant sans coup férir de lui offrir gîte et couvert à chacune de ses visites. Il lui suffisait de lui écrire une lettre pour lui expliquer que ces documents étaient importants (mais d'aucune valeur) et qu'il comptait sur elle pour les garder en lieu sûr. L'idée lui semblait bonne.
Il entra dans la petite papeterie du quartier que gardait une femme à chignon pas encore vraiment vieille qui semblait avoir oublié comment l'on pouvait s'y prendre pour sourire. Il acheta deux grandes enveloppes de papier kraft, un stylo et un bloc de papier. Il demanda s'il y avait des timbres et on lui répondit que la Poste la plus proche se trouvait à quelques rues de là. Il sortit et prit la direction du bureau de Poste en comptant bien trouver un nouveau café où s'attabler pour rédiger la lettre à sa cousine et boire un nouveau café.
Il fit une lettre aimable dans laquelle il n'oubliait pas de s'inquiéter de la santé de la cousine bretonne et de lui souhaiter plein de bonnes choses et plus encore. Il expliqua en restant très évasif que les documents joints à la lettre et scellés dans une enveloppe ne devaient pas être lus et ne devaient en aucun cas être remis à quelqu'un d'autre que Roland lui-même qui, elle pouvait le croire, viendrait la visiter avant longtemps. Il se relut, corrigea une ou deux fautes, et ferma l'enveloppe pour écrire l'adresse de la cousine. Il la connaissait par cœur, elle était simple. Le café payé, il se leva et partit poster son courrier.
Il fit la queue et déposa l'enveloppe sur le comptoir. L'employé du guichet pesa la lettre, annonça un prix, rendit la monnaie et lança le courrier dans un bac en toile qui se trouvait derrière lui. Roland hésita un instant. Il était pris d'un doute. N'était-il pas en train de faire une énorme bêtise ? Il aurait pu et dû faire des photocopies de ces documents et les envoyer à deux personnes différentes. Sans eux, il pouvait dire adieu au Nautilus, à la gloire et à la fortune. Il allait demander que l'on lui restitue son enveloppe lorsque le préposé lui demanda de se pousser pour permettre de servir la personne suivante. Roland resta immobile un court instant et, un rien fataliste, partit.
Perdu dans ses pensées, il se retrouva sur le trottoir sans se souvenir être sorti du bureau de Poste. Il avait la tête vide et il ne savait absolument plus que faire. Objectivement, sa situation n'était pas enviable et encore moins confortable. Il n'avait plus de domicile, il pensait devoir retrouver Gérard sans savoir où le chercher, il avait la vague idée de mener l'enquête sur la mort des maris de Colette mais n'était plus bien certain que cette histoire le concernait. D'ailleurs, il en venait à se demander pourquoi il lui importait tant de retrouver Gérard. Il était perdu et il commençait sérieusement à se demander où il dormirait cette nuit là. Sur sa cagnotte, il lui restait sans doute de quoi se payer une chambre d'hôtel mais pour le lendemain, mystère ! Il se demandait s'il n'aurait pas mieux fait de ne pas fuir de chez lui, ce matin. Après tout, il n'avait pas grand chose à se reprocher. Rien ne pouvait permettre de prouver sa responsabilité dans la déplorable mort de Robert. D'autant plus qu'il ne serait pas difficile pour lui de prouver leur amitié. En réfléchissant à tout cela, il marchait dans la ville sans s'en rendre compte. Il s'aperçut juste à un moment qu'il ne savait plus du tout où il était. Le nom des rues ne lui disait rien, les immeubles lui étaient tous étrangers et il ne trouvait aucun point de repère digne de ce nom. Il n'osa pas demander où il se trouvait aux passants. On devait être en tout début d'après-midi et Roland marchait toujours, à la recherche d'un endroit connu. A un carrefour, il avisa de grands panneaux indicateurs que sa mauvaise vue empêchait de lire sans s'approcher. Il chercha le passage pour piétons le plus proche et traversa la rue sans regarder si des véhicules arrivaient et il eut tort d'agir ainsi, la suite le lui prouva.
Il n'avait pas fait plus de trois pas qu'une puissante voiture sombre le percuta. Il esquissa un saut très artistique avant de s'écraser quelques mètres plus loin, au beau milieu de la chaussée. Les badauds se précipitèrent, les téléphones portables sortirent, les secours furent appelés prestement et à de multiples reprises et Roland décida qu'il était temps de s'évanouir. Juste avant de le faire, dans la brume de ce qui lui restait de vision, se dessina une silhouette qui ne lui était pas inconnue. La surprise lui fit retarder un peu sa perte de connaissance et, dans un ultime effort, il s'exclama d'une voix muette :
- Robert ! Mais qu'est-ce que tu fous là ?

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