jeudi 14 août 2014

Exigence ou incompétence

Il faut le reconnaître. Jeune, j'étais bien bête et bien crédule. J'avais remarqué cet Instamatic Kodak dans la vitrine d'un photographe de Conflans-Sainte-Honorine, sur les quais. Il était présenté dans un ravissant coffret en carton avec des fenêtres en plastique transparent qui permettaient de voir l'appareil. Ce qui m'avait particulièrement attiré, je dois le dire, c'était la mention "camera" apposée sur le coffret. Pour moi, c'était entendu, cet appareil était une caméra qui allait me permettre de faire des films de cinéma.
J'étais bien bête et mon niveau en anglais devait être bien bas. J'ai vite compris mon erreur lorsque j'ai lu le mode d'emploi. Enfin bon, j'avais un appareil photo et je faisais quelques photos. C'était inintéressant au possible, c'était mal cadré, c'était mal exposé, ce n'était net que très rarement. C'était globalement mauvais. J'aurais pu en rester là.
Après quelques errements dont je ne suis pas fier, j'ai eu la chance d'entrer au club photo du collège. Là, j'ai pu utiliser un appareil reflex pour la première fois, un Zenit EM, et m'essayer au tirage de photos en noir et blanc. Ça m'a plu et j'ai acheté mon premier appareil "sérieux", un Zenit E. J'ai raté l'intégralité des premières pellicules. J'aurais pu me décourager mais j'ai continué à vouloir faire des photos.
Ce Zenit m'a accompagné longtemps. A certaines époques, je ne l'utilisais plus beaucoup. Il a fallu attendre que je rencontre une nouvelle copine, au début des années 90, pour que je m'intéresse de nouveau à la photo. Elle avait un Canon, j'avais mon Zenit. J'ai vite délaissé ce dernier. Un nouveau Canon est arrivé chez nous, un T90, puis encore un autre. Des objectifs ont suivi puis est apparu un Leica M4. En quelques années, j'ai énormément progressé.
Et puis j'ai acheté un nouveau boîtier Canon et puis, en 2006, mon premier reflex numérique, un Canon 400D. A lire ces lignes, on peut penser que j'ai une affection particulière pour la marque Canon. En fait, il n'en est rien. Ce qui s'est passé, c'est que j'avais plusieurs objectifs de la marque dont un qui est assez fabuleux et qu'il m'a semblé logique de les conserver.
On peut longtemps discourir sur l'intérêt de la photo numérique, sur ses qualités et ses défauts. Pour moi, le principal intérêt de la photo numérique c'est qu'il m'a redonné goût à la photo. L'appareil précédent, le Canon EOS 5, je ne l'utilisais finalement pas tant que ça. D'abord, il faut le noter, la photo argentique revient cher. Et puis, ce n'est pas si pratique. Sur la fin, je ne faisais pratiquement plus que de la diapositive. J'avais la flemme de sortir le projecteur et je ne savais pas trop que faire de ces diapos qui dormaient au fond de leur boîte.
Avec la photo numérique, j'ai pu concilier deux choses qui m'intéressaient : la photographie et l'informatique avec le logiciel Photoshop. C'était pratique de pouvoir améliorer (ou pas) ses photos à l'écran, de pouvoir les imprimer sur l'imprimante. Ce qui était bien aussi, c'était de pouvoir voir ce que la photo allait pouvoir donner tout de suite après la prise de vue. Si besoin, je pouvais la recommencer en modifiant les réglages. Tout le monde sait tout cela.

Mille mercis
Hier, j'étais à Périgueux et je suis entré dans la cathédrale Saint-Front. Si j'avais été en argentique, j'aurais sans doute eu un problème. Si j'avais prévu d'aller faire des photos à l'intérieur de la cathédrale, j'aurais sans doute pensé à acheter une pellicule rapide. Je ne suis pas certain de pouvoir trouver une émulsion sensible de 3200 ISO. J'aurais fait quelques images puis je serais sorti de la cathédrale. J'aurais voulu faire des photos en extérieur et j'aurais trouvé qu'une pellicule moins sensible aurait été mieux adaptée. J'aurais pu changer de bobine. Ça aurait été fastidieux, tout de même.
Là, j'ai changé la sensibilité en appuyant sur une touche et en tournant une molette. C'est pratique et le résultat me convient. Je ne suis absolument pas certain qu'il aurait été envisageable de faire des images du temps de l'argentique, pour dire le fond de ma pensée. Bien sûr, en ayant un pied photo, en jouant sur le temps de pose, j'aurais pu m'en sortir avec une pellicule de 400 ISO. Le résultat aurait pu être meilleur ou du moins aussi bon. Possible.

Orgues périgordines

Quel photographe suis-je ?

Depuis que j'ai commencé la photo avec l'Instamatic Kodak de mon enfance, je n'ai pas changé de statut. Je suis un photographe amateur. En quelques décennies, bien sûr, j'ai appris des rudiments de "l'art photographique". J'ai compris l'influence de l'ouverture du diaphragme, de la vitesse d'obturation, de la sensibilité de la surface sensible. J'ai acquis quelques notions de cadrage et je peux m'amuser à choisir tel ou tel réglage selon le résultat que je cherche à obtenir. Je me suis amélioré. De très mauvais photographe, je suis passé à "photographe amateur pas trop mauvais". Je sais à peu près où j'en suis et je sais qu'il y a pire et meilleur photographe que moi.
Et là, et c'est le sujet de ce billet. Depuis quelques mois, je me demande si je suis en train de régresser ou si je suis devenu trop exigeant. Je regarde mes photos avec un œil très critique et il est bien rare qu'elles me plaisent vraiment. Je vois plein d'autres photos qui sont bien meilleures que les miennes. Parfois, c'est certain, le matériel est en cause. Par exemple, je trouve aujourd'hui que le Canon 60D que j'utilise pèche par le manque de dynamique du capteur qui fait que, dans le cas d'une image contrastée, il est bien difficile de ne pas boucher les noirs ou de ne pas cramer les blancs. Un copain, photographe professionnel, utilise un Nikon D800 et la comparaison est accablante. Le petit Canon ne fait tout simplement pas le poids.
Je n'ai pas l'intention de tout revendre et de passer chez Nikon. Je n'aime pas beaucoup l'ergonomie de cette marque. Remarquez que ça doit être une question d'habitude. Ceci étant, l'investissement serait tellement important que j'écarte cette option. Alors, je pourrais essayer de trouver un nouveau boîtier. Sur certains forum, on tente de m'expliquer combien on fait de meilleures images avec un "grand capteur"[1]. En restant chez Canon et sans chercher à prendre le très haut de gamme, il me faudrait tout de même dépenser pas loin de 2000 euros. Après, il faudrait que je me décide à conserver mon boîtier actuel en second boîtier ou à le revendre. Dans le cas d'une revente, je devrais également revendre quelques objectifs qui ne sont pas compatibles avec les capteurs grand format. Et donc, il faudrait aussi que j'achète de nouveaux objectifs.
Mais si le problème ne vient pas du matériel ? Après tout, je vois aussi des photos faites avec des boîtiers équivalents à celui que j'utilise et qui sont nettement meilleures que les miennes. Donc, je peux en déduire que je suis mauvais ou que je suis devenu trop exigeant et qu'il me faut m'appliquer plus et apprendre encore.

Cathédrale Saint-Front — Périgueux
Ce qui est amusant, c'est que en ce moment je me pose exactement les mêmes questions en ce qui concerne le dessin. Je me sens incapable de faire un dessin valable. Je griffonne et je jette. Ce n'est pas la première fois que cela arrive. C'est même assez cyclique. Je sais qu'arrivera un moment où il y aura un déclic. Un jour ou l'autre, je commencerai un dessin qui m'amusera et qui me donnera l'envie de le continuer, qui me donnera de nouvelles idées. Il faut juste être patient. Pour le dessin, je ne me pose pas tout à fait les mêmes questions que pour la photo, ceci dit. Là, je sais que je ne suis pas le meilleur dessinateur du monde, je sais qu'il y a des dessins que je suis simplement incapable de réaliser. Je suis cantonné à mon petit domaine, à mon petit style. Ça évolue doucement, année après année, je vois des changements. Ça ne m'angoisse pas vraiment. Je suis agacé de connaître ces périodes durant lesquelles je n'ai pas le goût au dessin mais, franchement, j'ai aussi conscience que c'est passager.

Et donc, je suis passé par Périgueux et j'ai visité rapidement la cathédrale Saint-Front. J'en ai ramené ces trois photos.

Note

[1] Grand capteur ou, en anglais, Full Frame. Capteur de 24x36 mm. Mon boîtier est muni d'un capteur APS-C.

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