mercredi 9 juillet 2014

Faut-il hara-kiriser le blog qui nuit (très) grave ?

Cavanna le disait. A eux tous, la bande de Hara-Kiri, ils ont fait le plus beau journal du monde. Et c'est vrai, et ça n'existe plus et ça n'a jamais été égalé. Que de talents ! Que d'irrévérencieux humour ! Il n'y a rien de meilleur. L'âme, l'esprit de ce journal, a été pillée. On a essayé de s'en inspirer, de porter la flamme longtemps après la mort du journal. Certains s'en réclament et disent ce qu'ils doivent à cette équipe. D'autres picorent des idées pour tenter de se donner un air irrespectueux. Si l'on peut reconnaître une certaine légitimité à l'équipe de Groland, la plupart du temps on est abattu par la retenue qu'affichent d'autres personnes en appelant à l'humour bête et méchant.
C'est qu'il faut le vouloir et le pouvoir pour arriver à faire du Hara-Kiri. Il faut oser. Il faut n'avoir aucune limite, taire l'auto-censure, fermer son clapet à la morale, à la peur de déplaire, ne jamais craindre de mettre un pied dedans et à dire que ça pue. Rire de tout tout le temps, c'est l'un des fondamentaux. Rire pour rire mais aussi et surtout rire pour dénoncer.
Aujourd'hui, il semble qu'il soit interdit et impossible de se moquer des handicapés, des femmes, des noirs, des gros, des chômeurs, des riches, des homosexuels, des juifs, des asiatiques, des américains, des militaires et des pacifistes, des cons et des intellectuels. On ne peut pas à moins d'accepter qu'un procès ou un autre vous colle au cul. Des procès, des interdictions administratives ou judiciaires, Hara-Kiri a eu à en subir son lot. Ce n'est pas ça qui l'a tué. Hara-Kiri est mort faute de lecteurs. Et pourquoi ? Parce que les temps avaient changé ? Peut-être.
On remarque souvent qu'il n'y a plus ni de Hara-Kiri ni de Coluche. Les temps ont changé, c'est une certitude. Ce qui fait rire aujourd'hui n'est pas ce qui faisait rire autrefois. Des fois, je me demande simplement si on aime encore rire. On aime vachement se prendre au sérieux. Tout devient très sérieux en ce bas monde. Il faut s'amuser sérieusement. On ne fait plus de repas pantagruéliques, on ne se bourre plus la gueule, on ne fait plus la course sur les petites routes, on ne se massacre plus la gueule à la sortie du bal. 0n mange "moléculaire" en dégustant un grand vin rare aux parfums étranges, on roule électrique, on écoute religieusement un adagio d'Albinoni. On n'ose plus offusquer et on ne supporte plus de s'offusquer. Malheur à qui passe les bornes ! Sans entrer dans le fond de l'affaire, il n'est qu'à voir le traitement infligé à Dieudonné récemment. On ne cherche pas à combattre, on assigne en justice. Il n'y a plus d'humour, ma pauv' dame.
Je cherchais des informations sur Chenz qui était un photographe de grand talent. Il enseignait la photographie, il a écrit des ouvrages de référence sur le sujet mais il faisait aussi les photographies bêtes et méchantes de Hara-Kiri. C'est un déferlement de trouvailles, de combines, de trucs insensés. C'est génial, tout simplement. Ce qu'il parvenait à faire à une époque où l'on n'imaginait même pas les trucages réalisables aujourd'hui par un mouflet de 12 ans avec son Photoshop piraté, ça laisse pantois. Il devait y avoir une sacrée émulation au sein de l'équipe du journal. Le succès de Hara-Kiri tenait certainement au fait que le journal était fait d'abord pour faire rire les membres de l'équipe. J'imagine une course effrénée à la surenchère débridée. Cabu a osé ça ? Tu vas voir la réponse que je lui prépare !
Avec l'arrivée de Internet, on aurait pu penser ou espérer que tout un tas de talents nouveaux allaient se laisser aller à faire des sites dans l'esprit de Hara-Kiri. Peut-être y en a-t-il. Le principal souci est sans doute d'ordre financier. Comment faire pour payer les dessinateurs, les écrivains, les photographes dans un journal en ligne ? Travailler gratuitement, ça ne fait pas bouillir la marmite. La presse connectée n'a rien trouvé d'autre que la publicité pour se financer. La publicité ou l'abonnement, certes, mais on compte sur les doigts d'une main les réussites.
Le blog qui nuit (très) grave n'a personne à payer et il refuserait, si besoin était, d'ouvrir ses pages à la pub. Alors pourquoi diable le tenancier de ce blog ne se laisse-t-il pas aller à l'humour qu'il aime plus que tout ? Un humour noir, sale, crade, qui tape sur les flics, les militaires, les curés, les politiciens et tout le reste de l'humanité ? La bonne, c'est que je n'ai pas le talent pour ça. Je ne suis ni Reiser ni Cavanna ni Delfeil de Ton ni Choron. Je suis trop mou, trop consensuel, trop froussard. C'est un peu dommage, ça aurait pu être un putain de bon blog !

Œufs à la coke

Haut de page